mercredi 22 décembre 2021

Ahmet Altan : Madame Hayat (N°1 - déc 21)

Madame Hayat

Ahmet Altan : Madame Hayat - Actes Sud, 2021 - roman traduit du turc

 

Il est intéressant de savoir qu’Ahmet Altan a écrit ce livre en détention, accusé d’avoir soutenu la tentative de coup d’Etat militaire de Juillet 2016 en Turquie. En 2019, il fut relâché à l’âge de 71 ans puis arrêté quelques jours après. Libéré par les autorités turques en 2021, il attend un nouveau procès (lu dans Lire magazine de dec-janv 2021-2022).

Ahmet Altan écrit ici « une fable magnifique sur une éducation sentimentale, accompagnée d’un éveil à une conscience politique »  (Fémina) et nous montre que, malgré l’effondrement, l’amour peut résister.

Fazil, étudiant en lettres, a la vie bouleversée après la faillite puis la mort de son père. Sa famille vivait jusqu’alors dans l’aisance, sans doute à Istanbul mais le lieu n’est jamais nommé, excepté lors d’une balade le long du Bosphore. Il doit faire face du jour au lendemain à la pauvreté. Il peut seulement continuer de suivre ses cours en fac le lettres. « Il a tout perdu : argent, quiétude, famille ». Il s’installe dans une pension modeste où « tout le monde se serre les coudes » : un prostitué, un papa et sa petite fille, des africains, des petits trafiquants. Pour gagner sa vie, Fazil est figurant dans une émission de télévision où il rencontre la fameuse Madame Hayat, une danseuse plus âgée que lui avec « des courbes affolantes, des yeux langoureux, un charme secret « belle, désinvolte et en même temps curieuse du monde qu’elle analyse par le prisme des documentaires télévisés » (Lire). C’est le coup de foudre

Mais en même temps il tombe amoureux  de la belle étudiante Sila, passionnée de littérature comme lui et des mêmes livres que lui, vivant dans la pauvreté comme lui pour les mêmes raisons.

Comment choisir entre ses deux femmes ? Comment fuir ce pays où arrestations arbitraires, brutalités policières sevissent ?

Magnifiques passages sur la littérature soit lors de cours en fac, soit lors de discussions passionnantes avec son amie Sila.

 Magnifiques lignes sur l’amour gai, rieur, chantant des deux amants : «  Nous nous faisons beaucoup rire » dit-il puis « Entre ses bras, contre son sein, la peur et l’angoisse, le passé et l’avenir s’évanouissaient » puis « Je grandissais, je vieillissais, je mûrissais, j’oubliais tout » puis "J'apprenais que lamour peut se parer de sourires et de tonalités insoupçonnés ».

Magnifiques moments d’entraide entre les locataires de la pension avec les discussions autour de la table de la cuisine, lieu de rencontre extraordinaire entre ces cabossés de la vie qui tentent de résister à la politique autoritaire et l’isolationnisme de leur pays.

Roman à ne pas rater, qui a reçu  le Prix transfuge du meilleur roman européen 2021 et le Prix Femina étranger 2021

 

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