mercredi 8 septembre 2021

Marceline Loridan-Ivens : C'était génial de vivre (N°1 - sept 2021)

 C'était génial de vivre

Marceline Loridan-Ivens : C'était génial de vivre - Les arènes, 2021 - témoignage

Lire ce témoignage est un moment fort, intense, dur, émouvant plus que sérieux mais en même temps on croit entendre « le rire » de Marceline Loridan-Ivens et sa « voix inimitable » si souvent passée à la radio ou à la télévision. : « Tous ses mots soulignent sa délicatesse et sa rébellion ». Elle fut  déportée à Auschwitz-Birkenau dans le même convoi que Simone Veil et a toujours voulu témoigner comme Ginette Kolinka. « Il fallait que je dise ce que d’autres ne diraient pas » dit-elle. La rabine Delphine Horvilleur écrit dans son superbe livre « Vivre avec nos morts » :  « Elle avait choisi de ne jamais être là où on l’attendait, ni dans ses mots, ni dans ses choix politiques, jusque dans ses cheveux qui racontait sa dissidence ».

Elle raconte tout dans cet entretien fait en décembre 2017 et Janvier 2018 avec deux journalistes (en qui « elle a toute confiance » dit-elle) David Teboul et Isabelle Wekstein-Steg. On connait déjà beaucoup d’événements de cette tragique destinée puisqu’elle a écrit plusieurs récits : mais le fait de retracer toute sa vie nous offre un livre formidable : son enfance rêveuse, son arrestation, son adolescence dans les camps ( « Arrivées à Bergen Belsen nous avons saisi la différence entre un camp de concentration et un camp d’extermination ») puis la jeune femme d’après qui « s’éclate » sans jamais oublier la part d’elle-même morte à Auschwitz-Birkenau. Elle raconte ses relations avec les hommes, jeunes amants, amis, mari et dit cette phrase : « on ne peut pas aimer toute sa vie quelqu’un de la même façon »…

Ce magnifique livre est édité par « les arènes » avec des photos superbes en papier mat de cette femme extraordinaire. Les bénéfices de ce livre seront reversés à la Fondation pour la Mémoire de la Shoah.

 

Sylvain Tesson : Un été avec Rimbaud (N°2 - sept 2021)

 Un été avec Rimbaud

Sylvain Tesson : Un été avec Rimbaud - Equateurs/Parallèles,  France Inter, 2021 - Essai

 Quel succès, cette collection, publiée par Equateurs/parallèles : « Un été avec… » qui parait chaque été pour notre plus grand plaisir !

Voici ici une biographie très originale de Rimbaud, le poète de Charleville-Mézières, écrit par le non moins original Sylvain Tesson, « qui marche dans les pas et les mots du poète, doux rêveur et fugueur, qui aimait comme lui, se perdre sur des routes inconnues » (ELLE).

« Il s’interroge sur l’errance, la fatalité, le jugement, la modernité ou l’essence de la poésie » de ce génie et sur sa double identité : « le Rimbaud du pays réel ne rencontrera jamais le Rimbaud du pays des rêves ».

Beaucoup de passages de poèmes nous éclairent sur la date, le lieu de l’écriture et donc nous font comprendre le pourquoi et le sens des poèmes, quelque fois difficile à lire.

« Lire Arthur Rimbaud vous condamne à partir un jour sur les chemins » nous dit l’éditeur. Sachant que Sylvain Tesson marche tel Rimbaud dans tous les pays du monde, l’auteur écrit des réflexions frappantes sur les marcheurs : « Partir est le moyen d’éviter de descendre en soi, « trou suprême » ; « la devise arthurienne : « allons ! la marche, le fardeau, le désert, l’ennui et la colère » (dans Une saison en enfer) ; « Le mouvement sans répit, la fuite comme salut, les semelles de braises : les psychiatres ont un nom pour cette pathologie, la dromomanie. Elle fut la souffrance du pauvre Arthur. » « Verlaine décrit l’increvable Arthur des chemins creux dans Les poètes maudits. Double rythmique : métrique des vers, foulée du pas ».

A lire absolument.

 

Jonathan Coe : Billy Wilder et Moi (N°3 - Sept 2021)

Billy Wilder et moi

 Jonathan Coe : Billy Wilder et Moi - Gallimard, 2020 - roman traduit de l'anglais.  


Je ne peux m’empêcher de vous transcrire l’éloge fait à cet auteur dans les Cahiers de Gallimard : « Romancier britannique incontournable, chantre incontesté de l’Angleterre, conteur hors-pair, Jonathan Coe, féru de musique, de cinéma, de bons mots et de littérature, n’a pas son pareil pour orchestrer dans ses romans une ironie cinglante, une drôlerie irrésistible et une mélancolie délicate, si bien qu’assurément seul demeure l’embarras du choix parmi ses nombreux textes à conseiller, à savourer » tel que « Testament à l’anglaise » (1995) qui le rendit célèbre et lui a valu une renommée internationale pour ses comédies politico-satiriques, puis « La pluie avant qu’elle tombe » (2007) et « La vie privée de Mr Sim » (2010) que je recommande (existent en poche) et « Expo 58 » en 2013, « Numéro 11 » en 2015, « Le cœur de l’Angleterre » en 2019.

Dans ce roman, l’auteur écrit un hommage à Billy Wilder en nous faisant vivre des scènes de tournage de son avant-dernier long métrage : Fedora en 1978 qui n’eut pas un franc succès…

La narratrice nous raconte comment, au cours d’un voyage aux USA en 1976, elle rencontre et dine par hasard avec Billy Wilder et son fameux complice I.A.L. Diamond. Elle est grecque et de ce fait est recrutée comme traductrice-interprète pour ce film qui doit se tourner à Corfou. Elle devient ensuite l’assistante du scénariste. On se régale d’abord des quiproquos durant ce repas de rencontre puis de toutes les anecdotes qui jalonnent le tournage du film et qui engendrent des situations burlesques, romanesques, d’une drôlerie irrésistible entrecoupée des « bons mots » de Billy Wilder, de « son ironie délicate, son dosage parfait entre humour et mélancolie » (Télérama), mélancolie car c’est aussi « une réflexion désenchantée sur la disparition d’un âge d’or du cinéma américain ».

Très bon moment de lecture et de « cinéma » !!!!