lundi 31 mai 2021

Susie Morgenstern : Mes 18 exils (N°1 - Mai 2021)

Susie Morgenstern : Mes 18 exils - 2021, Ed L'iconoclaste - Biographie


Mes 18 exils

L’auteur, à grand succès pour la jeunesse (on se souvient du  livre « La sixième » paru en 1985 et ses 150 autres livres…) nous régale dans ce récit en nous croquant une autobiographie : 18 exils qui ont traversé son existence, 18 moments de vie souvent écrits avec gaieté, autodérision mais qui ne sont pas toujours joyeux… « D’exil en exil, ma vie se déroule. La vie commence d’ailleurs par un exil », écrit-elle. Voici les titres de chaque chapitre qui résume tout : Naître, Être une fille, Entrer à l’école, Être loin de ses sœurs, Être juive, Infiltrée chez les garçons, Être intello, Être sioniste, Être amoureuse, Être mère, Être immigrée, Être veuve, Errer, De souris grise à femme fatale, Être malade, Le nid vide, Faire le deuil, Mourir. Ainsi va son parcours de vie…

Née en 1945 dans le New Jersey à Newark (lieu de naissance et de vie de beaucoup d’auteurs américains tel Philip Roth) et immigrée en France quand elle se marie avec le mathématicien Jacques Morgenstern, elle garde toujours son accent « adorable » mais écrit en français et explique faire relire ses textes à sa fille pour corrections.

« Avec elle, impossible de s’ennuyer. Tout est rire, autodérision, émotion » (dit l’éditeur) et c’est le sourire aux lèvres que l’on dévore ce récit de vie.

Le livre commence par quelques photos mates en noir et blanc de l’auteur et sa famille : magnifique

Anecdote : elle déclare être venue vêtue d’une robe blanche à l’émission La Grande Librairie en espérant que Daniel Pennac présent sur le plateau la demanderait en mariage : éclat de rire général sur le plateau. Quel humour !

 



Yann Queffélec : La Mer et au-delà (N°2 - Mai 2021)

La Mer et au-delà                                                                    Yann Queffélec : La Mer et au-delà - Ed. Calmann-Levy, 2020 - récit

Je n’avais jamais lu de livres de Yann Queffélec : quelle révélation, quelle écriture drôle, sensible, phrases sans verbe, énumérations, exclamations, style singulier et puissant.

L’écrivain rend « un hommage vibrant à la navigatrice Florence Arthaud », cette fameuse intrépide qui réalisa l’exploit de gagner la Route du Rhum en 1990, exploit impressionnant dans le milieu macho des marins : « elle valait les mecs qui ont fini par s’incliner » dit-il.   Elle était pour lui « sa petite sœur des mers », sa sœur d’élection, celle dont il n’a été « ni l’amant, ni complètement l’ami » mais avec laquelle il s’est reconnu « une sorte de fraternité ». L’amour de la mer et de la voile les rapprochait, lui, le breton « pur beurre » et elle, la parisienne rebelle puis la « Finistérienne d’adoption ». Elle lui demandait régulièrement d’écrire avec elle sa biographie, il se décide enfin, meurtri par sa disparition dans un accident d’hélicoptère le 9 mars 2015 alors qu’elle participait à un jeu de télé-réalité en Argentine.

D’une famille du 16ème arrondissement de Paris (son père n’est d’autre que l’éditeur Jacques Arthaud), elle montre très rapidement son goût du risque et le besoin de se rebeller contre sa vie bourgeoise. Elle passe de la vie d’étudiante en médecine à la course au large… L’auteur dit : « Pour moi, Florence est un personnage de roman. Elle n’a cessé de défier le destin : elle a failli mourir dans un accident de bagnole, (à 17 ans) puis elle est allée d’accident en accident pour se bâtir cette carrière d’immense marin » avec entr’autre ce terrible drame quand, en 2011, elle tombe de son bateau en étant seule à bord, a failli mourir au large du Cap Corse et est retrouvée et hélitreuillée. L’auteur écrit : « un hélico la sauve, un hélico la perd, quel signe est-ce donc là ? oh, toi là-haut, je te cause »…

 L’auteur nous raconte donc cette femme « pudique, complexe et infiniment attachante » qui fut nommée « la petite fiancée de l’Atlantique » (surnom tartignole, dit-il) et a connu des périodes de vie difficiles, excessives et paradoxales.

Ce livre est « un hommage à la femme, au marin, à l’aventure, à la liberté » (la Croix).

Sylvain Prudhomme : Les orages (N°3 - Mai 2021)

 Sylvain Prudhomme : Les orages - Gallimard (l'arbalète), 2021 - recueil d'histoires

Sylvain Prudhomme est l’auteur de plusieurs romans qui sont toujours des « odes à la fraternité, à l’amitié, à l’amour », comme dans « Les Grands » paru en 2015 que j’avais particulièrement aimé qui se passait en Guinée Bissau et racontait la vie d’un groupe musical et comme le roman « Par les routes » qui nous parle d’une profonde amitié entre le narrateur Sacha (n’est-il pas un peu l’auteur) et l’auto-stoppeur (c’est son seul nom dans le récit) : Prix Fémina 2019.

Dans les Orages, l’auteur nous écrit, pendant le premier confinement, treize nouvelles de longueur et d’intensité variables, sérieuses, graves ou cocasses, toutes très émouvantes et marquantes, toutes exprimant « des instants de bascules de nos vies familières » (la Croix) : pas de tristesse, pas de pathos mais des orages « qui lavent les chemins pour laisser place au calme et à la lumière ».

Les thèmes abordés sont très différents : le deuil, la maladie, la vieillesse, la séparation, le déménagement, les querelles de voisinage, les services d’urgence de pédiatrie, l’enterrement. Une petite préférence pour « « Awa beauté » : Awa est une jeune femme sénégalaise qui renonce à ses rêves pour sauver son frère Boubacar malade : Awa et son double travail de femme de ménage chez Madame Cissé et à la banque, Awa et son rêve de posséder un salon de « beauté »…

Comme pour ses autres romans, le style de Sylvain Prudhomme est délicat et sensible et les observations du quotidien sont d’une grande finesse. L’écriture « économe » rend les portraits extrêmement précis dans les gestes, les regards, les émois et « traduit à merveille les moments de joie, de soulagement et d’apaisement ».

« Ce recueil nous permet d’apprécier la manière avec laquelle son auteur varie les voix, les mises en scène, le début et les chutes. Chaque nouvelle raconte une bribe de vie, en cherchant la substantifique moelle du destin » (Lire magazine)