dimanche 1 avril 2018

David Foenkinos : Vers la beauté (N°1 - Mars 2018)

livre vers la beaute


David Foenkinos : Vers la beauté -2018, Gallimard- roman français : coup de coeur


Comme beaucoup de lecteurs, j’ai adoré les 13 livres fantaisistes, genre comédies douces-amères, de cet auteur portés par une écriture fluide, légère et pleine d’humour dont le roman, « La Délicatesse », écrit en 2009 et adapté au cinéma en 2011 et le fameux « Charlotte », écrit « comme un chant en vers libres » et racontant sa « rencontre illuminante », dit-il, et sa découverte de l’ artiste-peintre Charlotte Salomon (1917-1943)   ), qui changera sa vue sur l’Art. Il en parle à chaque interview et aussi dans ce roman. Cette biographie obtiendra le prix Renaudot et le prix Goncourt des lycéens en 2014.
Dans ce roman, il nous livre une histoire sur un ton plus grave et encore plus sensible : le héros est Antoine Duris, un professeur aux Beaux-Arts de Lyon qui quitte tout (famille, travail, amis, appartement) « pour devenir gardien de salle au musée d’Orsay ». On comprend qu’un événement traumatisant lui fait prendre cette décision. On le découvrira en dernière partie du récit. Cet homme espère qu’«être en dialogue avec un tableau » va l’aider à surmonter son malaise, ce qui se passe devant le portait de Jeanne Hébuterne, dernière femme de Modigliani : se tourner « vers la beauté » peut servir de remède, dit-il. L’auteur dit : « Ce qui m’intéresse, c’est la détresse psychologique. Montrer à quel point on peut être seul avec sa douleur ». La DRH du Musée d’Orsay, Mathilde, s’attache à cet homme intriguant et érudit. Le héros parle alors d’une étudiante douée des Beaux-Arts de Lyon, Camille. Ces trois personnages fragiles et que l’on devine « cabossés par la vie » vont-ils revenir à une existence normale ? : « Seul l’Art peut les sauver » dit-il. Il est impossible de dévoiler le destin de chacun. « Le lecteur avancera à son rythme dans les quatre parties du cheminement si fort, si actuel et dont il ne comprendra l’objet qu’à la fin ». (Match)
Roman bien réussi, bien construit, bien écrit : un moment de lecture passionnant, tragique, profond et contemporain.



Yannick Haenel : Tiens ferme ta couronne (N°2 - Mars 2018)

Yannick Haenel : Tiens ferme ta couronne - 2017, Gallimard - roman français


livre tiens ferme ta couronne

Yannick Haenel a obtenu le Prix Médicis 2017 pour ce roman écrit comme une comédie rocambolesque. Il a dédié son prix à Anne Wiazemsky, membre du Jury de ce prix, décédée au mois d’octobre. Clin d’œil sur cette auteure que j’aime énormément et dont je vous avais parlé lors de son décès.
Le héros de ce roman, Jean Deichel, déjà au centre du « Cercle », paru en 2007 et personnage principal dans les « Renards pâles » en 2013, est probablement le double romanesque de l’auteur. Il le présente ainsi : « En gros, le bilan n’était pas fameux : j’avais quarante-neuf ans, je vivais reclus dans un studio de vingt mètres carrés et passais mes journées à regarder des films en buvant de l’alcool » (il n’en sort que pour promener « Sabbat » le chien de voisin). Il  se prétend fou, du moins possédé . Il a écrit un scénario « The Great Melville », inspiré du Moby Dick écrit par Herman Melville (1819-1891). Jean, persuadé de la valeur cinématographique de son scénario, part sur les traces du seul cinéaste qui, selon lui, sera capable de réaliser l’adaptation de son scénario : ce cinéaste est le célèbre Michael Cimino. Il a une influence « magnétique » sur notre héros. Il est le producteur de « la Porte du Paradis » sorti en 1979, Palme d’or du Festival de Cannes, western américain que certains considèrent comme l’une des sept merveilles du monde cinématographique.
Cette quête va emmener notre héros dans des situations mystérieuses, quelquefois drôles pour cet homme qui vit dans un rêve et une obsession : « c’est un itinéraire spirituel fébrile, ponctué de signes, d’épisodes et de rencontres fantasques ». Apparaissent un cervidé dans la neige blanche, une phrase redondante « l’intérieur mystiquement alvéolé de la tête de Melville» (phrase sortie du livre de H. Melville), une rencontre dans une brasserie avec Isabelle Huppert qui avale de la viande crue « avec une brutalité stupéfiante »,  le sosie d’Emmanuel Macron en maitre d’hôtel…etc. Ce sont des « moments romanesques aussi improbables que burlesques » (Le Monde)
On se laisse dériver avec les aventures extravagantes du héros, on sourit, on rit, on n’essaie plus de comprendre le fil de l’histoire, on accepte ses saouleries  mais on se lasse un peu…Mieux vaut bien connaitre le monde du cinéma pour apprécier le cheminement du héros. C’est un moment de lecture totalement déjanté.
Je vous cite un critique de La Croix : " L’incroyable force polyphonique et contrastée de son livre : puissance et précarité, cocasserie et envoûtement, sauvagerie et douceur, ville tentaculaire mais nature si fraiche, rêverie enlacée"

Fabrice Luchini : Comédie française (N°3- Mars 2018)


Fabrice Luchini : Comédie Française, « ça a débuté comme ça… » en sous-titre -2016, Flammarion et j'ai lu - récit
livre comedie francaise ; ca a debute comme ca...


Pour la première fois cet acteur hors du commun écrit un livre qui pourrait être sa biographie : une alternance de son journal intime et de grands textes des auteurs qu’il vénère de La Fontaine à Rimbaud, de Molière à Nietzsche, mais aussi de ses rencontres déterminantes : Philippe Labro, Eric Rohmer, Roland Barthes, Emmanuel Macron, François Hollande, Olivier Besancenot…
Il écrit comme il parle, avec pudeur et sincérité. Il mêle des anecdotes surprenantes à des textes très sérieux qui abordent, pour beaucoup, ses interrogations sur « l’ascenseur social » en prenant sa vie comme exemple. Comment un enfant du 18ème arrondissement puis un apprenti-coiffeur du 8ème arrondissement devient un acteur renommé.
Un critique de Version Fémina résume bien ce récit : « Son attachement à la langue française et son génie pour transmettre sa passion sur scène depuis tant d’années sont restitués dans ce livre que l’on ne lâche pas ».
A lire absolument