dimanche 25 août 2013

Jeanne Benameur : Profanes

 

Jeanne Benameur : Profanes - Actes Sud, 2013 - roman français
 
Jeanne Benameur a remporté le grand prix RTL/Lire au printemps 2013 avec ce superbe roman et on le comprend en le lisant : « Etonnante démonstration de l’espoir retrouvé dans la compagnie des Hommes au moment où tout semble s’effondrer » dit Xavier Houssin dans Le Monde.
C’est l’histoire d’un chirurgien retraité, Octave Lassalle. A 90 ans, il décide de s’entourer de quatre « aides » d’âge, de milieu et de culture très différents pour l’assister à vivre ses « derniers temps »  dans une grande maison familiale. Chacun des personnages va l’accompagner et l’aider non seulement matériellement mais aussi moralement, tout en évoluant eux-mêmes dans leurs propres vies. Lui-même et chacun ont des secrets profondément traumatisants, des blessures, des angoisses, des peurs mais vont tous réagir et des « liens invisibles » se tissent et les aident à avoir l’optimisme et l’espérance nécessaires pour continuer la « lutte pour la vie ». Je n’en dis pas plus…mais chaque parcours est passionnant.
« Dans une langue incantatoire », l’auteur nous livre cinq portraits magnifiques « criants de beauté et de vérité » que l’on imagine sans aucune peine. Octave Lassalle trouve des « haïkus » (petit poème extrêmement bref venu de Japon) qui convient à chacun de ses 4 « aides ». Quelle écriture délicate et poétique !
A lire absolument pour rester optimiste !!!!
 

Jean-Christophe Rufin : Immortelle randonnée


Jean-Christophe Rufin : Immortelle randonnée Compostelle malgré moi - Edition Guérin, 2013 - récit


A chacun son chemin de Compostelle . Cela se constate dans « Immortelle randonnée. Compostelle malgré moi ».

L’auteur nous fait vivre SON chemin « Camino del Norte » : en effet il choisit de faire la route Nord moins fréquentée par les « Jacquets », au départ d’Hendaye qui longe l’Atlantique à travers le pays Basque, la Cantabrie, les Asturies et la verte Galice : 800 km au cours desquels il est soumis à rude épreuve. Il nous décrit avec humour les préoccupations des marcheurs et sa « clochardisation » progressive. « Le chemin est une force, il s’impose, il vous saisit, vous violente et vous façonne »

 Ce dépouillement l’amène à une quête de spiritualité et une occasion unique de réfléchir. « C’est une autre des découvertes que l’on fait en chemin que cette exaltation, ce bonheur, cette paix qui augmente à mesure que l’on approche du but » écrit-il.

Inutile de rappeler le « style incisif et évocateur » (dit un critique de La Vie). On se régale de certains passages et certaines descriptions si bien écrits grâce à l’écriture fluide dont Jean-Christophe Rufin a le secret. Ce récit est un bijou de littérature, alerte, drôle et attachant.

Julie Wolkenstein : Adèle et moi

Julie Wolkenstein : Adèle et moi - POL, 2013- roman français


J’ai beaucoup aimé ce livre et repense souvent à cette dame qui pourrait être ma grand-mère ou mon arrière-grand-mère. Je repense aux maisons familiales et à l’importance qu’elles prennent dans la construction mentale des enfants.

L’héroïne, divorcée, amoureuse à nouveau, écrivain (un double de l’auteur ???) découvre, en triant des papiers à la mort de son père, l’existence et la vie passionnante de son arrière-grand-mère Adèle et reconstitue sa vie dans le Paris et autres lieux des années 1870-1880. Julie Wolkenstein construit son roman autour d’un secret de famille que son héroïne découvre dans un « memorandum », signé d’une certaine tante Odette qu’elle rencontre et qui, de plus, lui donnera le journal d’une partie de la correspondance d’Adèle. « Julie Wolkenstein aime les intrigues à tiroirs, les coïncidences et les courts-circuits » nous dit un critique. Une maison à Saint Pair près de Granville sert de trait d’union entre Adèle et son arrière-petite-fille, notre héroïne.(On a envie d’aller voir ce village…)

L’ambiance des vacances familiales dans cette « villa » est extrêmement bien décrite ainsi que la vie parisienne et en campagne de l’époque.

J’ai aimé la façon d’écrire de l’auteur, son humour, sa drôlerie, la typographie même originale : les mots soulignés, les mots en italiques, les mots en lettres majuscules…

Certains critiques ont trouvé ce roman trop long mais en le lisant en vacances je me suis laissée portée par l’ambiance, par les descriptions des différentes époques, par la révélation du secret…


Tom Wolfe : Bloody Miami

Tom Wolfe : Bloody Miami - Robert Laffont, 2013 - roman américain


Comment décrire ce livre de Tom Wolfe ou le classer dans un genre littéraire ? C’est à la fois une enquête sur la vie actuelle à Miami, un thriller, un roman « dans la droite ligne des romanciers français du 19ème siècle », tel Balzac ou Zola dont l’auteur est « le plus grand fan ».

Tom Wolfe dit à François Busnel dans un entretien : « Je voulais écrire sur l’état actuel de l’Amérique et donc sur l’immigration qui est le grand sujet actuel de notre pays ».

Il a donc effectué un énorme travail d’enquête et d’observation de la vie à Miami sur tous les milieux sociaux, « Miami étant la ville au Monde dont plus de la moitié des habitants étaient des immigrés de fraiche date, autrement dit des cinquante dernières années. ». On croisera dans ce roman des Cubains, des Haïtiens, des Russes, des Latino- Américains, des métis et quelques « Anglos ». Evidemment la cohabitation de tout ce petit monde crée des rivalités et des tensions et l’auteur va nous créer une fiction bien menée avec des situations et des émotions surprenantes. Vont se côtoyer des personnages si bien décrits qu’on les imagine sans difficultés, tous étant obnubilés par le sexe, l’argent et la couleur de peau : un jeune flic d’origine cubaine, né sur le sol américain, une Haïtienne blanche, l’ex-petite-amie du flic voulant s’en sortir devenue la « muse » d’un psychiatre, spécialiste des addictions au porno puis d’un milliardaire russe. Puis intervient un journaliste accrocheur qui va mener plusieurs enquêtes emmêlées avec le jeune flic : « L’ensemble forme une fresque à la Zola, l’humour vachard en plus » (F. Busnel)

L’écriture de Tom Wolfe et son style sont très originaux : onomatopées, points d’exclamation, monologues intérieurs, ponctuation et accents sont surprenants, mais si drôles. Il y a des passages hilarants, exemple celui sur l’art contemporain : la ruée des milliardaires vers une foire d’art vue par une cubaine non-initiée…. Ainsi que la description des soirées dites « mondaines » des milliardaires…


Evidemment sur 610 pages il y a quelques longueurs et des passages un peu lourds mais on le pardonne à l’auteur tant ce livre est passionnant, intéressant et plein d’humour.