jeudi 23 juin 2016

Pierre Lemaitre : Trois jours et une vie (n°1 Juin 2016)

livre trois jours et une vie  Pierre Lemaître : Trois jours et une vie - 2016, Albin Michel - roman noir

Pierre Lemaitre avait déjà prouvé ses talents de « raconteur d’histoires » avec le Goncourt 2013 « Au revoir là-haut ». Ici on retrouve ce même talent de raconteur dans un roman noir. Ce n’est pas un roman policier car dès le début le lecteur connait le meurtrier : le héros, Antoine Courtin, 12 ans, est l’assassin par accident d’un enfant de 6 ans et doit « continuer de vivre une vie torturée par le mensonge et la culpabilité » (La Croix).
Antoine est un enfant « taiseux et mal dans sa peau », du genre à s’isoler dans une cabane dans les bois avec le chien ou le fils des voisins… Ce fils des voisins disparait du village et le plonge dans la consternation, le deuil, la douleur. Cette petite ville de la France profonde a déjà son lot de rivalités, de jalousies et de médisances qui vont s’exacerber avec cette disparition.
Antoine qui est l’assassin subit autour de lui le déchainement des suspicions, le drame de l’émotion collective, sans faire paraître le moindre indice, ni à sa mère, ni aux parents de la victime, ni aux gendarmes.
Le lecteur, mis au courant dès le début du roman, tremble pour l’assassin et s’angoisse pour ce jeune coupable. Arrive alors la tempête du siècle de décembre 1999…et nous suivons la vie d’adulte d’Antoine…
Plusieurs rebondissements bien ficelés nous amènent à une fin complètement inattendue. Evidemment nous retrouvons l’écriture sèche et efficace de l’auteur, son style direct et on est happé par ce récit haletant et un peu angoissé en début de roman.
Pierre Lemaitre parle de ce roman-fiction comme d’une parenthèse avant la publication de la suite de son Goncourt qui aura pour titre « Couleurs de l’incendie » et qui sortira au printemps 2017 et que tous les lecteurs attendent avec impatience.

Agnès Desarthe et René Urtreger : Le Roi René (n°2 Juin 2016)

livre le roi rene 

Agnès  Desarthe et René Urtreger : Le Roi René - Odile Jacob, 2016 - biographie de René Urtreger écrite par Agnès Desarthe 



La présentation de ce roman biographique à l’émission « La Grande Librairie » m’a vraiment donné envie de lire ce livre pour deux raisons : j’aime le jazz et j’admire énormément Agnès Desarthe dont j’ai déjà parlé dans ce blog en faisant l’éloge de ses livres ou de ses traductions.
Ici elle nous raconte avec passion la trajectoire du grand pianiste René Urtreger, maître du be-bop. Elle discute avec lui, maintenant âgé de 81 ans et nous tire de ses conversations  la biographie de cet homme attachant qui a « un incroyable destin en dents de scie » (L’Express) : son enfance, la mort de sa mère à Auschwitz, ses années glorieuses en 1950-60 (il est alors une star, joue avec Miles Davis et est un admirateur sans bornes de Bud Powell), son addiction à l’alcool et aux drogues et sa chute devenant « un clochard de luxe », son grand retour en 1977, sa gloire actuelle avec, par exemple, le prix de l’académie Charles-Cros in honorem Jazz en 2014 et le grand succès de ses concerts au festival French Quarter au Duc des Lombards à Paris en janvier 2016.
Ce livre est d’un style rythmé, chantant avec une alternance d’interviews, de discussions, de réflexions d’Agnès Desarhte qui devient l’amie et la complice du grand homme. Elle ne nous cache rien : « sa fragilité, sa force, son irritabilité, sa vitalité, son humour en font un personnage formidable » (Télérama). Ce récit est bien documenté sur le jazz et les musiciens des deux époques, l’auteur connaissant le monde du Jazz (elle chantera même sur scène accompagnée du grand pianiste…).
« Elle raconte cette histoire avec élan, entrain, rebonds, souplesse, en un mot avec swing »… Que dire de plus si ce n’est que ce livre passionnera aussi bien ceux qui adorent cette musique que les « béotiens ».

Ernest Hemingway : Paris est une fête (n°3 Juin 2016)



livre paris est une fete   Ernest Hemingway : Paris est une fête - Folio poche, 2015 - roman écrit en 1964... ET Paula McLain : Madame Hemingway - Livre de poche , 2012 - roman biographique.

 Après les attentats qui ont frappé la France le 13 Novembre 2015 et après qu’une dame au micro d’un journaliste ait évoqué ce magnifique roman culte d’Ernest Hemingway, un nombre incroyable d’exemplaires de ce livre a été vendu. On en a parlé dans le monde entier.

Il me fallait donc lire ce petit bijou de littérature qui évoque Paris dans les années 1920 mais qui fut publié en 1964. Ce livre est né des carnets de notes qu'Hemingway avait oubliés au Ritz en 1920 et retrouvés au crépuscule de sa vie. C’est le temps des Années Folles, de la jeunesse des grands auteurs qui vécurent à Paris et donnent « des cours d’écriture contre des cours de boxe ». Ernest Hemingway va chez Lipp, à la Closerie des Lilas, dans ce quartier latin célèbre et y croise Fitzgerald ou Pound ou la célèbre collectionneuse Miss Stein. Il sort en boite de nuit, y boit beaucoup. Il écrit dans sa tanière : « Nous étions pauvres et très heureux ». Passionnant.

Il sera intéressant pour les passionnés de cet auteur de lire  le très beau récit sur la vie d’une des épouses d’Hemingway : Hardley Richardson : « Pourra-t-elle rester sa muse, sa complice, son épouse ? » Cela se passe à Paris dans les années 1920… Magnifique. 

Livre de Paula McLain : Madame Hemingway, en Livre de poche paru en 2011 et prix des lecteurs Sélection en 2013 : Ce livre est le premier roman traduit en français de l’américaine Paula McLain. Elle est diplômée en poésie, ce qui ne nous surprend pas en lisant ces magnifiques pages sur la vie de ce fameux écrivain, Ernest Hemingway et de sa première femme. Elle nous fait donc connaître leur destin mais aussi le tourbillon des années folles à Paris principalement, par la voix de l’épouse Hadley Richardson (le livre est écrit à la première personne) qui aimera le grand auteur jusque la fin de ses jours mais leur vie commune ne durera que de 1921 à 1927.

Dans la première moitié du livre, Ernest et Hadley sont follement amoureux et Hadley voue un amour inconditionnel à son mari et a une foi totale dans son talent. Elle-même est une pianiste douée, intelligente, sensible et réservée. Elle tente de garder une vie familiale normale avec ce mari attachant mais si envahissant et si complexe.  Il restera toujours traumatisé par le souvenir de la guerre et de ses blessures pour lesquelles il sera hospitalisé 3 mois et sera un homme difficile à vivre : « Cet homme était une véritable énigme, en fin de compte – bon, fort, faible et cruel à la fois. Un ami incomparable et un salopard », dira-t-elle plus tard….
Après leur « mariage éclair » aux USA, ils viennent à Paris en 1922 car « Il n’y a qu’à Paris que l’on peut écrire à l’époque », dit-on. Ernest, cet enragé d’écriture et ce travailleur insatiable, commence par le journalisme : il est prêt à tout pour apprendre à devenir écrivain. Mais le parcours est long. Ils ont un petit garçon et le couple a la vie dure dans ce Paris insouciant des Années Folles où la vie est une suite de fêtes, d’histoires de couples, de frimes, d’abus d’alcool et de drogue. D’ailleurs en 1964, un petit roman d’Hemingway « Paris est une fête » sera publié à titre posthume et a beaucoup inspiré Paula McLain.

Heureusement le couple se coupe de la vie parisienne de temps en temps en partant skier en Autriche, en allant à Pampelune en Espagne à des corridas pour lesquelles Ernest est fasciné. On se régale à chaque fois de descriptions magnifiques des paysages, de la vie locale, de leurs habitudes simples qui contrastent avec leur vie citadine.  Mais ils sont vite rejoints  par leur « bande » et la vie de débauche parait inévitable.
Dans la deuxième partie du roman, quand arrive un début de succès pour Hemingway  avec son premier roman « Le soleil se lève aussi » paru en 1926 inspiré par leurs voyages en Espagne, Hadley sent les difficultés à venir et l’on ne peut s’empêcher d’être tristes et troublés par les sentiments et les émotions de cette femme courageuse. « Ce fut la fin de l’apprentissage et la fin d’autres choses également. Il ne serait jamais plus inconnu. Mais nous ne serions plus jamais aussi heureux. » Sur la page de couverture du livre de poche est écrit : « Pourra-t-elle rester sa muse, sa complice, son épouse ?» Elle ne pourra rivaliser avec des femmes aguicheuses qui séduiront son mari, particulièrement sa meilleure amie. L’auteur nous écrit des pages superbes sur leur séparation, leur attachement malgré tout…
Comme vous le voyez, j’ai beaucoup aimé ce livre écrit avec finesse et poésie. Les sentiments paraissent sincères, profonds et sont si bien analysés et exprimés que l’on admire la vie de ce couple si magnifique, si fascinante et si dramatique. De plus les descriptions du Paris des Années Folles sont excellentes. Il sera passionnant de lire des œuvres d’Hemingway après cette lecture.