samedi 23 octobre 2021

Amélie Nothomb : Premier sang (N°1 - Oct 2021)

Amélie Nothomb : Premier sang - 2021, Albin Michel - roman français

 

 

 

L'année dernière, pour la rentrée littéraire, Amélie Nothomb, dans Soif, « se glissait dans la peau de Jésus Christ ». Cette année, pour son trentième roman, elle se met dans la peau de son père, mort récemment d’un cancer, au début du premier confinement le 17 Mars 2020.

Dans les interviews nombreuses à ce sujet, elle explique son désarroi et son chagrin de n’avoir pu se rendre à l’enterrement de son père ni aller sur sa tombe à cause de la période de crise sanitaire. Elle n’ira au cimetière que l’été venu et dit cette phrase : « Son âme est venue à la rencontre de la mienne »… Et donc « Elle veut, dit-elle, faire revivre son père, le rendre plus vivant, tel qu’il a été vraiment ». Pour ce faire, elle écrit à la première personne ce qui rend ce texte très émouvant. 

Elle retrace la vie extraordinaire et exceptionnelle qu’a eu ce personnage, Patrick Nothomb. Il perd son père à l’âge de 8 mois et est élevé par sa mère, qui le délaisse, et ses grands-parents maternels dans la solitude et le désespoir à Bruxelles.  Il passe beaucoup de vacances au Château de Pont d’Oye dans les Ardennes belges  avec la tribu Nothomb, « château décati » qui occupe une place importante dans ce récit tant la vie y est précaire et extra-ordinaire. Avec son écriture romanesque et tragicomique, l’auteur nous fait vivre des moments très drôles. « Mes ancêtres ont eu faim à cause de ce darwinisme éducatif si particulier » dit-elle (ELLE). Adulte, Patrick Nothomb  devient diplomate et commence sa carrière à Stanleyville (ex-Congo belge) au moment de la prise d’otages de 1964. Il se comportera en héros devant le peloton d’exécution et pendant les négociations qui sauveront 1600 personnes alors qu’il n’a que 28 ans. Il sera ensuite ambassadeur de Belgique, en Chine, au Japon (ce qui explique l’amour pour ce pays de l’auteure) et en Italie.

Dommage que tout ceci soit divulgué dans les médias ce qui fait que l’on connait la vie de ce Monsieur avant de lire le livre…mais il n’empêche que l’on retrouve l’excellente écriture juste, précise de cette auteure géniale qui écrit ici un texte « magnifique, touchant, drôle et incroyablement vivant » (Fémina).

 

Maggie O'Farrell : Hamnet ( N°2 - oct 2021)

Maggie O'Farrell : Hamnet - 2021, Belfond - roman anglais

"Quiconque lit ce livre en tombe immédiatement amoureux" écrit un critique littéraire d'un hebdomadaire britannique. En effet après la lecture de ce roman on repense très souvent à cette femme extraordinaire, décrite avec tant de justesse, cette Agnès, épouse de William Shakespeare, mère bouleversante du jeune Hamnet.

Elle est illéttrée, forte, intelligente, ultra-sensible et belle : "cette elfe, cette ensorceleuse, cet esprit de la forêt"écrit l'auteure. Elle est le centre du roman. Elle nous émeut particulièrement au moment du "déchirement ressenti par une mère devant son enfant porté en terre" (Télérama). Elle est semi-sorcière, un peu guérisseuse, sauvageonne, soignant son entourage par les plantes médicinales, devinant l'avenir des gens en leur pinçant la chair entre le pouce et l'index.

Elle rencontre William Shakespeare lorsqu'il est précepteur de latin  de ses demi-frères et soeurs dans les années 1580  et décide qu'elle fera sa vie avec ce fils de gantier de Stratford. Trois enfants naitront de cette union dont des jumeaux, fille et garçon, Judith et Hamnet qui succombera à la peste à l'âge de 14 ans. Magnifique passage sur ce jeune garçon qui cherche de l'aide pour soigner sa soeur jumelle et finit par "tromper la mort".

 Hamnet

Magnifique aussi le chapitre final lorsqu'Agnès, enfin venue à Londres, a "la révélation" sur son génial mari en voyant la représentation d'Hamlet : "Hamlet, là, sur scène, est deux personnages à la fois : le jeune homme, vivant et mort " dit la narratrice : "un final magistral" dit un critique de la Voix du Nord, où Agnès comprend qu'il existe une autre magie, celle du théâtre, celle de la littérature (le Monde).

Magnifiques sont les descriptions de l'Angleterre rurale des années 1580 avec cette vie rude des fermiers et le travail du cuir du père gantier de Shakespeare.

L'auteur a spéculé sur les faits historiques : sur les registres de la ville de Stratford, William Shakespeare épouse Agnès et  un jeune Hamnet meurt en 1596. Devient-il le  Hamlet de la fameuse pièce de théâtre écrite 4 ans après la mort de Hamnet ?

Laetitia Colombani : Le cerf-Volant (N°3 - oct 2021)

 Le cerf-volant

Laetitia Colombani : Le cerf-volant - Grasser, 2021 - roman français

 

Laetitia Colombani nous a déjà enchantés avec ses beaux romans à succès : La Tresse chez Grasset en 2017 (40 traductions, 23 prix littéraires, deux millions d’exemplaires vendus, nous dit l’éditeur) et les Victorieuses en 2019.

Ici cette auteure, réalisatrice, scénariste et actrice nous emmène à nouveau en Inde, plutôt le sous-continent indien.

Après un drame personnel, l’héroïne Léna part dans le golfe de Bengale pour essayer de se reconstruire. La rencontre sur la plage avec une fillette mutique qui joue avec son cerf-volant sera décisive et lui fera prendre la décision d’essayer d’ouvrir une école pour que les enfants des « Intouchables » exploités apprennent au moins à lire. Elle imagine que ces enfants gagneront de la liberté par le biais de l’éducation. Beaucoup d’embuches et d’obstacles lui barreront le chemin mais Léna, aidée d’un groupe de filles, adeptes de l’auto-défense et assurant la sécurité des femmes du quartier réussira à réaliser son projet. Elle y trouve une nouvelle raison de vivre grâce à sa persévérance et son ingéniosité.

Très beau roman poignant écrit par une scénariste qui nous tient en haleine jusqu’à la fin.