jeudi 5 mai 2022

Elizabeth Jane Howard : Nouveau départ (Tome IV de "La saga des Cazalet) ( N°1 - Avril 2022)

La Saga Des CazaletNouveau Départ (La saga des Cazalet IV)

 Elizabeth Jane Howard : Nouveau départ (Tome IV de "La saga des Cazalet") - Ed. Quai Voltaire, 2021 en France - roman

 

Elizabeth Jane Howard (1923-2014) a écrit une quinzaine de romans dont ceux-ci : 5 romans qui forment « La saga des Cazalet » paru en 1990 en Grande-Bretagne et seulement en 2020 en France, pour le premier Tome, (fiche dans ce blog Octobre 2020, N°3), tous traduits « de façon mélodieuse » par Anouk Neuhoff. L’auteure dit s’être inspirée de ses souvenirs personnels et avoir « puisé dans la mémoire de son enfance » pour décrire cette bourgeoisie britannique.

J’ai particulièrement apprécié ce Tome IV : « Nouveau départ » : C’est le nouveau départ de la dynastie Cazalet à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Nous allons retrouver à Londres, dévasté par les bombardements et sous le régime des tickets de rationnement, la nouvelle génération : les cousines Clary, Louise et Polly, que nous avons connues enfants puis ados, sont maintenant des adultes, restent toujours aussi unies et pouvant compter les unes sur les autres. Elles se lancent dans la vie active sous l’œil bienveillant et consolant d’Archie, l’ami indéfectible, confident de toute la famille et " dépositaire des secrets de chacun" et cela nous vaudra une bonne surprise….

 Les parents ont des vies compliquées. L'aîné Hugh se case… Rachel, la seule fille, va essayer de penser à elle après le décès des patriarches. Edward et Villy divorcent et nous faisons plus amples connaissances de Diana. Rupert, après ses cinq ans d’absence, a des retrouvailles difficiles avec sa femme Zoë, chacun ayant connu une histoire d’amour de son côté…

On suit les faits et les gestes quotidiens de tous puis les failles et les vices de chacun se dévoilent ainsi que les désirs inavouables, les secrets chuchotés, les rêves, les intrigues. « C’est une belle analyse psychologique » que nous fait l’auteure et une belle description de la société anglaise de l’après-guerre.

Heureusement un arbre généalogique de toute la famille ainsi qu’un résumé des tomes précédents permet de se replonger dans les liens familiaux de chacun et aussi de lire ce roman sans avoir lu les tomes précédents.

Il est dit que le Tome V se déroulera neuf ans plus tard et conclura cette saga : hâte de le lire !

Véronique Olmi : Le Gosse (N°2 - avril 2022)

Le Gosse

 Véronique Olmi : Le gosse - Ed. Albin Michel, 2022 - roman français

Véronique Olmi est romancière et aussi dramaturge et comédienne. Elle nous a enchantés avec Bakhita (fiche N°1 en oct 2017 dans ce blog)  pour lequel elle reçut le prix du Roman Fnac et fut finaliste du Goncourt, du Femina, du Goncourt des lycéens.

Elle écrit ici son quatorzième roman dans lequel nous suivons Joseph, né en 1919 juste après la Première Guerre Mondiale. Dans la première partie du livre, il vit une vie normale de titi parisien de  7 ans dans un quartier populaire. Tout s’écroule lorsqu’il devient orphelin de père et bientôt de mère. Celle-ci meurt des suites d’un avortement. Il reste quelques temps avec sa grand-mère dans ce quartier mais celle-ci perdant la tête, Joseph est placé à l’«Assistance publique ». D’abord il vit dans une famille nourricière qui l’exploite. « Il connait l’arrachement, la violence, les abus, la privation d’amour et de considération » écrit La Croix. Il en sortira avec un « cornet à piston » et cet instrument le sauvera… De là il est incarcéré à la prison pour enfants de la Petite Roquette à Paris puis à la Colonie pénitencière de Mettray en Indre et Loire, qui, en fait, est un bagne pour enfants (maintenant un institut thérapeutique, éducatif et pédagogique…)

Le lecteur est bouleversé par le courage de ce petit garçon qui va connaitre l’engrenage social et carcéral, la souffrance et le climat de terreur mais va toujours garder la tête haute.

Dans la deuxième moitié du roman, Joseph grandit et réussit à faire une rencontre secrète avec un « prisonnier », dont il est ensuite séparé, puis en même temps il est repéré avec son cornet à piston par un chef d’orchestre qui vient assister aux répétitions des concerts de la Colonie dont fait partie Joseph. Cet homme le fait sortir de cet enfer et l’emmène à Paris. On le prévient : « La moindre connerie, et tu reviens ici, direct au quartier ».

Comment va-t-il s’adapter à Paris ? J’ai trouvé cette partie du roman moins attractive, moins précise. Sa vie parisienne ainsi que les retrouvailles avec l’ancien amant de sa mère puis avec le copain rencontré à la Colonie paraissent moins probables, moins réalisables… mais donnent une note d’espoir.

Véronique Olmi a choisi d’écrire cette histoire à la troisième personne et au présent « comme un roman d’action », dit-elle, « Joseph est un enfant. Les enfants n’anticipent pas. Ils sont toujours dans le présent »

« Un roman bouleversant sur les prisons pour enfants. Sur la renaissance d’un être, aussi » (le Point).

 

 

Adrien Bosc : Colonne (N°3- avril 2022)

Colonne

 Adrien Bosc : Colonne - Ed. Stock, 2022- roman français

 Ce récit est un bel hommage à une femme engagée, Simone Weil, qui, à 27 ans, a rejoint « les Brigades Internationales » au sein de la « Colonne Durruti », brigades de volontaires étrangers luttant contre Franco.

L’auteur imagine les 45 jours que Simone Weil passe en Espagne en Août 1936. Elle y est habillée d’une combinaison de mécanicien, chaussée d’espadrilles et porte un fusil trop grand pour elle dont elle apprend le maniement…Elle se cogne à la violence du monde, portée par un idéal de justice.

Peu de documents subsistent : son passeport, des notes dont il reste 34 feuillets, des lettres et quelques photographies, (en noir et blanc et petit format dans le livre). Fut retrouvée aussi la lettre qu’elle envoya à Georges Bernanos et que celui-ci a toujours gardé « à jamais » dans son portefeuille, dans laquelle elle écrit, commentant le livre magnifique de Bernanos « Grands cimetières sous la lune » : « Ce que vous dites du nationalisme, de la guerre, de la politique… m’est allé au cœur ».

Une brûlure au pied l’obligera à rentrer en France. Elle y mourra peu de temps après de la tuberculose en 1943.

Deux parties pour ce récit poignant : « Dans la colonne » avec Simone Weil en action dans son engagement impossible et « Une lettre dans un portefeuille », qui reste une des archives les plus importantes, un témoignage qui permet à l’auteur de faire un hommage de Georges Bernanos.

« Au milieu du chaos d’une guerre civile, Adrien Bosc nous conte une existence intense et tragique, dont le combat en Espagne fut le point de bascule » (note de l’éditeur).