jeudi 23 juin 2016

Jérôme Garcin : Le Voyant

livre le voyant   Jérôme Garcin : Le voyant - poche Folio, 2016 - roman biographique

 Jérôme Garcin a toujours aimé écrire des portraits d'hommes à l'âme forte et à la vie fulgurante, tel le livre sur son père  disparu accidentellement à 45 ans « La chute de cheval » paru en 1998, sur son frère jumeau mort très jeune « Olivier » paru en 2011, sur Jean Prevost (Pris Médicis de l'essai en 1994, sur Jean de la Ville de Mirmont, soldat en 1918 « Bleus horizons » paru en 2014.

Ici dans « Le Voyant », il nous fait un récit admirable de la courte vie de Jacques Lusseyran, l'aveugle résistant. Après avoir relu le récit autobiographique de cet homme à la vie hors du commun « Et la lumière fut » (réédité en 2005 et en poche en 2008), Jérôme Garcin décide de rendre hommage « à cet enseignant et écrivain d'une fascinante sensibilité qui résista au nazisme et dévora la vie en dépit de sa cécité » (La Croix). Il veut raconter cette vie pour « comprendre les profondeurs de cet homme brillant et paradoxal. Je me souviens, dit-il, des émotions contradictoires que j'éprouvais à la lecture de son témoignage magistral et capital ». « Cela le passionnait aussi, dit-il, de raconter tout un pan de l'Histoire à travers les sensations d'un aveugle ».

Cet homme, né en 1924, est devenu aveugle à l'âge de 7 ans suite à une bousculade à l'école. Il dit : « J'avais perdu mes yeux, je ne voyais plus la lumière du monde et la lumière était toujours là… Je voyais avec les yeux de mon âme ». Il apprend le braille rapidement , soutenu par des parents cultivés, lettrés, mélomanes qui désirent lui donner une vie « normale ». Il retourne à l'école, fait de brillantes études, puis « l'aveugle clairvoyant » se fait Résistant.  Il entre dans un réseau où on lui confie le recrutement car il sait détecter un mensonge par l'intonation de la voix et juge à la façon de serrer la main… Il s'entoure d'amis sûrs. Il dit : « Seuls venaient à moi ceux qui étaient capables de générosité et de compréhension ».
En 1943, il est arrêté et transféré à Buchenwald et réussit à survivre : « Il ne verra pas les horreurs du camp de la mort, il les sentira, les entendra et pire encore le imaginera ».
Au retour, une nouvelle vie commence. La loi française empêche les aveugles d'enseigner, il part donc aux Etats-Unis mais alors se laisse embarquer par un gourou qu'il considère comme « son maître de joie ». Sa première femme restera avec ce gourou. Il se remarie avec une toute jeune élève et ils se tuent tous les deux dans un accident de voiture sur la RN 23, lui à l'âge de 47 ans.

Jérôme Garcin rend « grâce à cet homme avec une sincérité pleine de chaleur alliée à une écriture belle et humble » dit un critique du Figaro. Bel hommage à cet auteur que j'aime beaucoup  qui anime l'émission « Le masque et la plume » sur France Inter depuis 1989 et qui est journaliste à l'Obs. Il a su nous transmettre son admiration et son émotion dans ce beau récit biographique sobre et juste et a réussi à nous  exprimer son attachement à cet homme sensible et admirable.

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