lundi 3 mai 2021

Camille Laurens : Fille (N°3 - avril 21)

Fille

 Camille Laurens : Fille - Ed. Gallimard, 2020 - récit autobiographique

Comment devenir une femme dans une société prévue pour les hommes de 1960 à 1990 ?

Laurence Baraqué, (le vrai nom de l’auteure, dit-on) grandit avec sa sœur dans les années 1960 à Rouen puis devient mère dans les années 1990. Être une fille et avoir une fille dans une société prévue pour les hommes, comment faire ? comment transmettre ? Voilà le sujet de ce roman philosophique et sensible.

Rappelons que l’écrivaine est nouvelle jurée et membre de l’Académie Goncourt et que ce roman a été élu Livre de l’année 2020 par Lire Magazine.

Née en 1959 dans une famille où il y a déjà une fille vivante, une autre disparue et où le père aurait préféré un garçon, cette petite fille a du mal à trouver sa place et est marquée par l’échec d’être née « fille ». C’est une époque où « être une fille, c’est moins bien qu’être un garçon » dit l’auteur. La fillette prend assez vite conscience de cette « infériorisation » et se rend compte que cela se ressent même dans le langage des adultes : l’auteur écrit : « Tout ce qui est féminin déçoit, déchoit, elle le sait désormais ». Le langage et le vocabulaire en sont la preuve : aller voir les filles, c’était aller au bordel. Les mots féminins sont négatifs, par exemple l’équivalent féminin du mot masculin : une garce, un garçon… Son père n’a aucun respect pour elle : il la surnomme : gras du bide ou Groc ce qui signifie gros cul ….

Les années s’écoulent avec des « mésaventures familiales, des bonheurs fugaces, des souffrances tues dont un abus sexuel et la perte d’un bébé », entre faits réels et fiction.

De petite fille, Laurence devient femme et surtout mère d’une fille et c’est « un renversement total pour cette mère » qui entend sa fille devenue adulte et homosexuelle lui dire « mais, maman, les filles, c’est merveilleux ».

L’écriture est particulière, passant du « elle » au « je » et au « tu », passant aussi de l’ironie à la colère, de situations drôles à des moments dérangeants.

Heureusement l’auteur évoque les changements de statuts et de mentalités qui ont eu lieu pendant ces six décennies. Les mouvements féministes actuels et les livres écrits ces derniers six mois sur des révélations d’abus sexuels nous montrent le pouvoir des Hommes durant le siècle dernier et laissent entrevoir un changement de mentalité …

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