lundi 29 mai 2017

Dominique Bona : Colette et les siennes (N°1 Mai 2017)

Dominique Bona : Colette et les siennes - Grasset, 2017 - biographie.

livre colette et les siennes

Le 23 Octobre 2014, Dominique Bona a été la huitième femme à entrer à l’Académie Française, superbement habillée selon les règles mais dans une tenue « Chanel haute Couture » quand même….Dominique Bona est une critique littéraire très reconnue et appréciée et un écrivain que j’aime beaucoup pour ses biographies dans lesquelles elle nous fait découvrir le côté intime et caché de ses personnages. Elle dit d’ailleurs cette phrase amusante : « J’ai arrêté d’écrire des fictions quand j’ai compris que la vraie vie est infiniment romanesque. La réalité dépasse presque la fiction. Ecrire des biographies me permet de vivre d’autres vies que la mienne ». On ne peut oublier ses remarquables biographies sur Stephan Zweig, Camille et Paul Claudel, Berthe Morisot, Clara Malraux, Paul Valéry  dont j’ai fait des fiches dans ce blog.
Dans ce récit, Dominique Bona nous fait entrer dans l’intimité de l’écrivain Colette depuis l’été 1914 jusqu’à sa mort en 1954 mais quelques retours en arrière nous font entrevoir toute la vie de l’écrivain.
L’été 1914, les hommes sont partis à la guerre. Par sécurité ( ?), Colette expédie sa fille, Bel-Gazou, en Corrèze, chez sa belle-mère. (Très peu d’allusions à cet enfant dans cette biographie : Colette s’en occupe peu).
Dans son charmant chalet de Passy, près du Bois de Boulogne, Colette héberge ses trois plus chères amies car « la solitude l’effraie » : Annie de Pène, journaliste au ‘Matin’ et romancière, Marguerite Moreno, comédienne et Musidora, danseuse de cabaret et première vamp du cinéma muet. Ainsi dans ce chalet, y a-t-il « une solidarité de filles, comme au front une solidarité des soldats » dira Colette.
A cette époque, Colette est ainsi décrite par l’auteur avec certains mots de Maurice Chevalier : « La silhouette un peu trapue, dodue, sans encore de graisse indésirable, les yeux qui pétillent, le sourire enfantin sans parler de son intelligence vif-argent et de ses dons d’écrivain…on peut y ajouter son odeur de jasmin sauvage »… L’auteur rappelle aussi que Colette, au début du siècle, danse dans des cabarets, joue en petite tenue dans des spectacles. Elle jetait un défi à la société bourgeoise de son époque ».
Une amitié inébranlable se noue entre ses quatre amies : « Le joyeux quatuor s’organise pour lutter contre les contraintes du temps, dans une atmosphère oscillant entre le pensionnat et la maison close ». Les quatre femmes s’éclatent dans une douceur de vivre dévergondée : cheveux courts, pantalons, amoureuses des deux sexes : « Entre les quatre femmes il n’y a que douceur et câlineries… Force juvénile de Musidora. Force raisonnable et équilibrée d’Annie. Force démesurée, herculéenne de Moreno… ». Cette amitié restera solide. Leur complicité durera malgré les séparations dues à la guerre et au travail de chacune, Colette partant à Verdun et à Rome comme journaliste, Annie faisant des reportages vers les frontières de l’Est, Moreno étant infirmière dans le Sud et Musidora tournant des films dans le Midi.
Une partie du livre se nomme « Interlude lesbien » : Dominique Bona nous explique : « Lesbos est un abri, un refuge, une source de joies et d’émotions. » Colette a été « pour femmes » (disait-on pour les lesbiennes à l’époque) à un certain moment de sa vie mais  vit également un grand bonheur avec son deuxième mari, Henri de Jouvenel. Elle ajoute « Phénomène de mode autour de 1900, l’amour lesbien inspire la littérature. La Belle Epoque se montre plutôt indulgente pour les ébats entre femmes, considérés comme un divertissement charmant, un luxe lesbien ».
Dominique Bona ne nous écrit pas une biographique chronologique mais une « biographie chorale ». Elle « enlace » (dit-elle) les quatre destins pour mettre en évidence « les similitudes et les dissemblances, les liens étroits entre l’intime et l’artistique. » Le lecteur  se régale des extravagances, des situations bizarres, des frasques de chacune, des descriptions de leur vie quotidienne.
Pari réussi car nous suivons pêle-mêle la vie des quatre amies, Colette dominant la petite troupe. C’est l’occasion aussi de connaître la vie artistique à Paris pendant et après la guerre, l’activité journalistique,  l’évolution du cinéma passant du muet au parlant. La fin de vie et donc du livre est moins passionnante et un peu longue mais ainsi va la vie….
Cette lecture donne envie de relire des œuvres de Colette qui a beaucoup influencé les femmes de son époque : « Elle a montré qu’on pouvait être une femme issue d’un milieu populaire et imposer son nom ». Dominique Bona caractérise le style de Colette comme « très sensible et très sensuel : c’est sa signature. Colette apporte de la chair aux mots et décrit le quotidien en faisant appel à tous les sens. Avec elle, on est toujours au cœur de la vie », dit-elle dans une interview dans la revue LIRE.




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