lundi 21 janvier 2013

Julie Otsuka : Certaines n'avaient jamais vu la mer


Julie Otsuka : Certaines n’avaient jamais vu la mer – Phébus, 2012 – Prix Fémina étranger 2012

C’est l’histoire méconnu de ces jeunes japonaises qui, dans les années 20, quittent leur pays pour rejoindre en Amérique leurs »compatriotes », futurs maris émigrés en Californie qu’elles n’ont vu que sur des photos. Elles sont naïves et pleines d’espoir. « Certaines n’avaient jamais vu la mer » mais après une traversée de l’Atlantique éprouvante, elles découvrent en arrivant une vie plein de désillusions : mariage sordide, travail harassant, essai d’intégration mais racisme des Blancs et humiliations fréquentes, déportation en 1942. Ce récit nous raconte « le brutal déracinement de ces geishas qui trimeront dans les champs ou qui serviront de boniches à la bourgeoisie » avant d’être mis dans des camps d’internement dans cette Amérique terriblement raciste (très belle page sur cet exode)

La réussite de ce roman tient beaucoup dans l’écriture  magnifique, poétique, lyrique. L’auteur a choisi d’écrire à la première personne du pluriel : l’héroïne est donc multiple et ce « nous » est très émouvant et scande le destin misérable de chacune des voix anonymes : « l’émotion tient le lecteur tout au long du livre » dit un critique du Monde.

Il est intéressant de savoir que le déplacement puis l’internement de quelques 120 000 japonais, en 1942, après l’attaque aéronavale japonaise, reste un sujet tabou aux Etats-Unis. En 1988, au nom du gouvernement américain, le président Reagan présentera ses excuses à la communauté américano-japonaise « pour le traitement injuste et dégradant qu’elle subit alors ».

Ce roman superbe est un document poignant, bouleversant auquel on repense souvent.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire