samedi 28 janvier 2012

Philippe Broussard : La disparue de San Juan

Philippe Broussard : La Disparue de San Juan - Ed. Stock, 2011 - Document

Philippe Broussard, journaliste, rédacteur en chef du service « Enquêtes » de l’Express veut rendre hommage à Marie-Anne Erize et raconter, au plus près, la vie de cette « Disparue de San Juan », enlevée par des militaires en civil le Vendredi 15 Octobre 1976 au Nord- Ouest de l’Argentine et dont le corps n’a jamais été retrouvé. En 2008, l’auteur part sur les traces de cette jeune femme, mannequin et militante péroniste. Il alterne le récit chronologique de la vie de Marie-Anne et des lettres écrites par lui-même à la mère de la jeune femme, Françoise, actuellement âgée de 84 ans. Ces lettres rendent ce récit très émouvant et espérons qu’elles aident cette maman et la famille à surmonter son chagrin et a mieux comprendre…

Nous apprenons comment Françoise, la mère de Marie-Anne, benjamine d’une grande famille, débarque en 1941 en Argentine, puis repart en France pour ses études pendant lesquelles elle devient très pieuse puis revient en Argentine pour se marier. De cette union, naîtront 7 enfants dont Marie-Anne en 1954.

Cette famille vivra jusqu’en 1962 au nord de l’Argentine à Wanda, village dans une enclave entre le Paraguay et le Brésil, dans une nature magnifique avec une terre rouge dans des conditions plus que modestes mais moralement très solides et solidaires : « Chez les Erize, la foi est au cœur de tout ». On comprend le côté sauvage et bon cœur qu’a toujours gardé Marie-Anne.

En 1962, la famille vient habiter près de Buenos-Aires. Les enfants sont tous Scouts ou Guides : « Un vrai clan, tendance boy-scout, bohême et bigot à la fois, avec des parents soucieux de l’équilibre entre libertés et contraintes ».

Puis Marie-Anne va connaître le monde de la Mode en étant mannequin. C’est à ce moment-là que l’on se rend compte de la double personnalité de Marie-Anne : mi-argentine, mi-française, pieuse avec les scouts catholiques, charmante en tant que mannequin dans le monde des « people », généreuse comme aide-sociale dans les bidonvilles.

En 1973, sa vie bascule quand elle renonce à la mode et devient militante péroniste puis entre dans la clandestinité au sein des Montoneros, mouvement d’extrême gauche.

Evidemment on traverse l’histoire politique de l’Argentine : l’idéologie nationale catholique de la Junte puis le coup d’Etat de Mars 1976 au cours duquel l’Argentine bascule dans la dictature et les répressions massives qui ont lieu avec la tactique des « disparitions forcées » et les « vols de la mort ». La Croix Rouge annonçait 20.000 « détenus-disparus ». On se rappelle des Mères de la Place de Mai avec les photos des « disaparecidos » qui manifestent depuis Avril 1977. Puis ce fut à partir de 1983 un retour à la démocratie avec Raul Alfonsin qui crée la CONADEP (Commission nationale sur la disparition des personnes). Les poursuites judiciaires continuent : le suspect qui aurait enlevé Marie-Anne est en prison en attendant un procès prévu début 2012…


Il est passionnant de suivre le parcours de Marie-Anne dans ce pays déchiré et on s’attache à cette jeune femme aux multiples facettes :  « Sa vie était si compartimentée : famille, politique, amour, amitié, mode… »


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire