Philippe Broussard, journaliste, rédacteur en chef du service
« Enquêtes » de l’Express veut rendre hommage à Marie-Anne Erize et
raconter, au plus près, la vie de cette « Disparue de San Juan »,
enlevée par des militaires en civil le Vendredi 15 Octobre 1976 au Nord- Ouest
de l’Argentine et dont le corps n’a jamais été retrouvé. En 2008, l’auteur part
sur les traces de cette jeune femme, mannequin et militante péroniste. Il
alterne le récit chronologique de la vie de Marie-Anne et des lettres écrites
par lui-même à la mère de la jeune femme, Françoise, actuellement âgée de 84
ans. Ces lettres rendent ce récit très émouvant et espérons qu’elles aident
cette maman et la famille à surmonter son chagrin et a mieux comprendre…
Nous apprenons comment Françoise, la mère de Marie-Anne,
benjamine d’une grande famille, débarque en 1941 en Argentine, puis repart en
France pour ses études pendant lesquelles elle devient très pieuse puis revient
en Argentine pour se marier. De cette union, naîtront 7 enfants dont Marie-Anne
en 1954.
Cette famille vivra jusqu’en 1962 au nord de l’Argentine à
Wanda, village dans une enclave entre le Paraguay et le Brésil, dans une nature
magnifique avec une terre rouge dans des conditions plus que modestes mais
moralement très solides et solidaires : « Chez les Erize, la foi est
au cœur de tout ». On comprend le côté sauvage et bon cœur qu’a toujours
gardé Marie-Anne.
En 1962, la famille vient habiter près de Buenos-Aires. Les
enfants sont tous Scouts ou Guides : « Un vrai clan, tendance boy-scout,
bohême et bigot à la fois, avec des parents soucieux de l’équilibre entre
libertés et contraintes ».
Puis Marie-Anne va connaître le monde de la Mode en étant
mannequin. C’est à ce moment-là que l’on se rend compte de la double
personnalité de Marie-Anne : mi-argentine, mi-française, pieuse avec les
scouts catholiques, charmante en tant que mannequin dans le monde des
« people », généreuse comme aide-sociale dans les bidonvilles.
En 1973, sa vie bascule quand elle renonce à la mode et
devient militante péroniste puis entre dans la clandestinité au sein des
Montoneros, mouvement d’extrême gauche.
Evidemment on traverse l’histoire politique de
l’Argentine : l’idéologie nationale catholique de la Junte puis le coup
d’Etat de Mars 1976 au cours duquel l’Argentine bascule dans la dictature et
les répressions massives qui ont lieu avec la tactique des « disparitions
forcées » et les « vols de la mort ». La Croix Rouge annonçait
20.000 « détenus-disparus ». On se rappelle des Mères de la Place de
Mai avec les photos des « disaparecidos » qui manifestent depuis
Avril 1977. Puis ce fut à partir de 1983 un retour à la démocratie avec Raul
Alfonsin qui crée la CONADEP (Commission nationale sur la disparition des
personnes). Les poursuites judiciaires continuent : le suspect qui aurait
enlevé Marie-Anne est en prison en attendant un procès prévu début 2012…
Il est passionnant de suivre le parcours de Marie-Anne dans ce pays déchiré et on s’attache à cette jeune femme aux multiples facettes : « Sa vie était si compartimentée : famille, politique, amour, amitié, mode… »
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