vendredi 3 avril 2020

Leila Slimani : Le pays des autres (N°1 - Mars 2020)



Leïla Slimani : Le pays des autres - 2020, Gallimard      - roman français

Leïla Slimani, née en 1981, lauréate du prix Goncourt 2016 avec « Chanson douce », écrit ici le premier tome d’une trilogie sur son pays natal, le Maroc : « Le pays des autres » : dans ce récit, « Chacun vit dans le pays de l’autre », a-t-elle dit à La Grande Librairie, en ajoutant qu’elle s’est inspirée de la vie de ses propres grands parents. On y retrouve les combats de l’auteur : « Le féminisme, la libéralité de l’esprit et des mœurs, le dégoût de l’intégrisme et de l’obscurantisme » (Télérama). Ce premier tome est intitulé « La guerre, la guerre, la guerre » et se passe entre 1946 et 1956.
En 1944, Mathilde, jeune femme française alsacienne de 20 ans, rencontre en Alsace un  jeune commandant marocain de l’armée française, le ténébreux, Amine. Elle l’épouse, « fière d’avoir échappé à son destin ». Elle le rejoint au Maroc et le couple s’installe à 25km de Meknès dans une propriété familiale : Amine compte exploiter la terre « sèche et rocailleuse » dans le contexte historique du protectorat des années 1950. Deux enfants arrivent : une fille Aïcha, sauvage et surdouée, et un garçon, Selim. Les difficultés dans l’exploitation du terrain et les « brimades coloniales » endurcissent et assombrissent le caractère d’Amine. Mathilde subit ce changement dans l’ennui et la solitude, subit « une vie dans laquelle une femme ne dispose pas d’une once de liberté, une vie dans laquelle une étrangère restera une étrangère », subit le jugement de tous sur leur couple et le métissage dont sont issus les enfants. Elle lutte pour exister en tant que Femme et « avoir des droits dans ce pays où les Hommes sont rois » (Fémina).
On fait connaissance de la mère d’Amine, de sa sœur Selma, jeune et ravissante qui veut être libre et d’Omar, son frère qui lutte pour l’indépendance du Maroc. Tous sont extrêmement bien « croqués ».
Le tout se passe dans une nature magnifique : « Les arbres, la terre mais aussi la chaleur et le vent jouent un rôle central dans le livre » dit un critique du Monde. L’auteur utilise dans ce récit une écriture plus narrative que d’habitude avec beaucoup de détails et de sensations sur la vie quotidienne. On s’attache de ce fait, à son héroïne Mathilde et sa fille Aïcha dont on lit les gestes, les pensées, « les élans, les déceptions et les hontes ». L’auteur dit dans une interview à Paris-Match : « Pendant l’écriture j’étais habitée par des images, des sensations, des odeurs que je voulais transmettre et qui me viennent de mon enfance ».
Cette saga familiale d’essence autobiographique est passionnante et l’on reste sur un questionnement : Mathilde et Amine résisteront-ils ? Quel avenir auront leurs enfants après l’indépendance du Maroc proclamée en 1956.
A lire donc dans le tome suivant…
Pour la petite histoire, l’auteur se prépare à une « échappée » : elle a accepté un poste d’enseignante à Harvard aux Etats-Unis à la rentrée prochaine. Elle part donc avec mari et enfants dans « un autre pays des autres » dit-elle.

 

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