vendredi 3 avril 2020

Jean-Luc Seigle : Femme à la mobylette (N°3 - Mars 20)


Femme à la mobylette

Jean-Luc Seigle : Femme à la mobylette - 2017, Flammaion - roman français

 

Jean-Luc Seigle est décédé le 5 mars 2020 à l’âge de 64 ans. Ecrivain et dramaturge, il a écrit « une œuvre forte qui a séduit de nombreux lecteurs en cherchant à s’approcher au plus près de la vérité et de la grandeur des marginaux, des laissés-pour-contre et des victimes de l’histoire » : ceci est un communiqué de son éditeur Flammarion.
On peut se souvenir du fameux roman « En vieillissant les hommes pleurent » et l’émouvant « Je vous écris dans le noir ».
Je n’avais pas jusqu’alors fait de fiche sur ce roman, « Femme à la mobylette », paru en 2017 et viens de relire ce si beau récit entre « drame social et fable romantique ». L’auteur nous « brosse le poignant portrait d’une femme isolée », oubliée de tous. Reine a trois enfants, vit dans un pavillon délabré ou plutôt survit en demandant de l’aide pour nourrir ses petits ( son mari l’a quittée pour une autre du jour au lendemain) et lutte pour que la justice ne lui retire pas ses enfants. Elle ressasse ces mots : « Tout finit dans l’absence et le silence absolu du monde ». Elle dégringole et imagine les pires situations, comme celle que l’on peut soupçonner dans la première partie troublante intitulée « La nuit impossible ».
Mais deux miracles vont survenir : Reine trouve, dans le fourbi de son jardin, une mobylette qui va lui permettre de trouver un travail de « thanatopracteur » (embaumeur de cadavres) qui lui convient car « elle a le culte des morts et du cimetière ». Second miracle, elle découvre l’amour fou avec un homme, Jorgen, peintre et routier, qu’elle rencontre sur une aire de repos de l’autoroute. Les deux miracles lui amèneront un certain équilibre. L’auteur observe « son héroïne avec une justesse, une puissance, une délicatesse bouleversante » (LIRE). « Il réussit à donner à sentir son énergie vitale, le tout avec une écriture nette, rugueuse et tendue » (Express).
Certains critiques trouvent que ce récit a « la noirceur et la désespérance des romans russes » comme ceux de Tolstoï que la grand-mère de notre héroïne lui lisait. D’ailleurs on remarquera que ses enfants se nomment Sacha, Sonia, Igor. Le dernier chapitre « retour au réel » avec une fin violente est aussi digne des tragédies russes.
Très beau portrait réaliste de cette femme réagissant contre son statut d’oubliés de la société, " trop fragile dans un monde féroce".

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