mardi 4 février 2020

Jean-Paul Dubois : Tous les hommes n'habitent pas le monde de la même façon (N°2 - Jan 2020)




Jean-Paul Dubois : Tous les hommes n'habitent pas le monde de la même façon - Ed. L'olivier, 2019 - Prix Goncourt

 

Tous les hommes n'habitent pas le monde de la même façon



Jean-Paul Dubois, ancien grand reporter, se consacre à l’écriture deux mois par an pour « se ménager de grands moments de rêve » dit-il. Il a quand même écrit une quinzaine de romans, particulièrement le Prix Fémina en 2004 : « Une vie française », fresque géniale sur nos familles de l’après De Gaulle ainsi que « L’Amérique m’inquiète » et « « Kennedy et moi » où il décrit si bien les Etats-Unis. Ainsi cette fois, il change de pays et nous emmène à Montréal au Canada mais aussi au Danemark. Il se plonge dans un monde qui n’est pas le sien dont il étudie tout car « il se veut être au plus près du réel » dit-il.
Pour ce roman, il vient de recevoir le Prix Goncourt 2019 : amusant de le voir recevoir son prix habillé d’une simple veste de survêtement. « Il ne veut surtout pas que sa vie change mais admet ‘ne pas bouder son plaisir’. Il veut se glisser dans ce prix avec douceur et humilité. » (Match).
Dans ce roman qui se passe en 2008, Paul (prénom du héros de tous les livres de cet auteur) est en prison depuis quelques mois et pour deux ans,  partageant sa cellule de 6m2 avec un « biker », un « Hells Angels », un homme massif et violent, une brute avec qui, malgré tout, il se lie d’amitié car ce détenu qui peut de révéler d’une féroce violence, peut aussi être « un agneau sentimental »… L’auteur n’hésite pas à « décrire en termes parfois crus le quotidien des deux détenus que tout oppose » (Match). En effet, Paul est un homme apparemment placide, un personnage travailleur et doux, plein d’abnégation, très touchant par sa façon d’aborder la vie et les problèmes et drames qu’il traverse. Cet enfermement lui laisse le temps de faire revivre son passé et « ses morts bien aimés ». Ainsi en alternant des passages sur le quotidien carcéral et les souvenirs du narrateur, l’auteur nous fait suivre toute la vie de son héros : son enfance à Toulouse en France, sa mère féministe directrice d’un cinéma d’Art et d’Essais,  son père pasteur danois dans le Jutland, une région « où l’on parle exclusivement le poisson  dès la naissance », sa découverte du Danemark alors qu’il est adolescent, son arrivée au Canada et son travail d’intendant-concierge-homme à tout-faire  d’une résidence pour seniors aisés ( (l’auteur dit s’être inspiré du gardien d’immeuble de sa belle-mère), sa chère femme Winona mi-indienne mi- irlandaise et son « indispensable » chien, Nouk.
Son travail passe d’intendant  à super-intendant : il est non seulement gardien et homme à tout faire mais aussi confident de ces personnes âgées qui luttent contre la solitude et la vieillesse. On sent la tension monter  mais on ne saura la raison de sa condamnation et  de son emprisonnement qu’en fin de récit.
L’auteur réussit à glisser dans le texte ses sujets favoris : le cinéma, les voitures, les motos, les matchs de sport, la passion   pour les chiens, les amours brisés, les morts subites… Très belles descriptions du narrateur, personnage attachant entouré de seconds rôles bien vus dans un style fluide, parfois très ironique,  très agréable à lire.
 « L’auteur observe puis décrit, sans forfanterie aucune, les hommes comme ils sont : généreux ou mesquins, intègres ou tyranniques, désenchantés pour la plupart » ( Figaro) d’où le titre de ce roman, une phrase-clef que répétaient inlassablement le père et le grand-père de Paul.








 

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