samedi 22 septembre 2018

Patrick Grainville : Falaise des fous (N°2 - sept 2018)


livre falaise des fous

Patrick Grainville : Falaise des fous - ED. du Seuil, 2018 - roman français

 

Patrick Grainville a obtenu le prix Goncourt en 1976 avec « Les flamboyants ». Il est considéré comme « l’ex-enfant terrible des lettres » et à 70 ans « il n’a rien perdu de sa fougue revendiquant toujours une enivrante liberté romanesque » (La Croix) tel que nous l’avons vu cet hiver à l’émission de la Grande Librairie.
26 romans et une vingtaine de livres d’art plus tard, il nous écrit un roman « stupéfiant de fluidité, d’aisance et de virtuosité ». Son héros raconte, dans un long récit très dense, sa vie qui commence au temps de la naissance des Impressionnistes et se termine dans les années 1920 qui verront la naissance du Cubisme qui se passe essentiellement à Etretat et en Normandie, lieux mythiques pour la peinture.
Charles est rentier à 21 ans, blessé par un tir en Algérie au moment de la résistance kabyle et vit avec aisance grâce à son oncle bienveillant (sa mère étant morte lorsqu’il était petit et son père ayant disparu à sa naissance) dans une maison à Etretat de laquelle il peut contempler la mer déchainée ou calme, les rafales de vent sur les falaises, la plage, les embruns, la vie des marins. Ce normand qui aime l’aventure, les grands espaces, les ballades en mer, les moments de contemplation, les femmes, est très attachant et extrêmement bien « croqué ». Sur « sa plage », il rencontre Monet jeune et débutant, posant son chevalet devant les Portes d’Amont et d’Aval, la Manneporte et l’Aiguille.
Puis les compagnons de l’artiste : Courbet (portrait surprenant de ce grand homme), Boudin (peintre des ciels de la côte d’Albâtre), Manet, Degas, Pissaro puis le jeune Picasso. Il y croise Maupassant, Victor Hugo, Zola et le jeune Proust. Peintres et écrivains se côtoient pour des fêtes mémorables.
Notre héros s’éprend de Mathilde, sa voisine. Elle est mariée à un collaborateur de Haussmann, « entrepreneur exalté par les promesses des progrès, les prouesses de la Science et les prodiges du capitalisme naissant » (la Croix) ce qui nous vaut des discussions succulentes entre le mari et l’amant de Mathilde. Charles emmènera sa maitresse à Fécamp voir le départ des terre-neuvas (magnifique passage) ou au Havre admirer les premiers grands paquebots partir vers l’Amérique. Il aura ensuite pour maitresse Anna, la fille de Mathilde, qui s’essaie à la peinture, qui lui fait connaitre la vie artistique parisienne puisqu’elle côtoie les peintres, va au vernissage des expositions, connait ce milieu particulier. Ils iront ensemble à Rouen voir Monet aux prises avec la façade de la cathédrale, à Giverny où Monet continue de peindre ses célèbres Nymphéas, indifférent à la guerre, complétement plongé « dans l’absolu création ».
Nous traversons en même temps la vie politique de l’époque avec Barrès, Léon Daudet, Clémenceau, l’affaire Dreyfus ainsi que les grands événements tel que l’incendie du Bazar de la Charité, la catastrophe minière de Courrières, le drame du Titanic et la première Guerre Mondiale.
Livre très dense, très documenté sur la peinture et l’histoire de ce début du vingtième siècle, passionnant, extrêmement bien écrit, un peu fantaisiste par moments….



 

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