lundi 25 avril 2016

Marie Darrieussecq : Etre ici est une splendeur : Vie de Paula M.Becker (n°3 Avril 2016)

 livre etre ici est une splendeur ; vie de paula m. becker


 Marie Darrieussecq : Etre ici est une splendeur -vie de Paula M. Becker - 2016, P.O.L.- Biographie

L’auteur publie ici la première biographie en langue française sur Paula M. Becker (1876-1907). Elle s’est passionnée pour la vie de cette artiste-peintre allemande jusqu’à réussir à  obtenir  une exposition d’une centaine de dessins et de peintures au Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris qui a lieu actuellement jusqu’au 21 Août. Cette artiste « est restée méconnue hors d’Allemagne », dit-elle, « je voulais donc la montrer ; et sa vie courte et intense, son quotidien conjugal contraint, son souci permanent d’un atelier à elle et d’indépendance financière : je voulais raconter cela ».
Marie Darrieussecq s’appuie sur de nombreux témoignages : journal intime de l’artiste et surtout correspondance avec ses parents et avec le poète Rainer Maria Rilke pour lequel Paula avait une grande amitié. Rilke rend d’ailleurs hommage à l’artiste dans un superbe poème « Requiem pour une amie » composé après la mort de Paula à l’âge de 31 ans. Elle commente aussi évidemment les superbes peintures de Paula qu’elle est allée voir au Musée de Brême, dont les thèmes sont caractéristiques de l’époque (autoportraits, mères et enfants, jeunes filles, paysages, natures mortes…) La forte expression dans la couleur et la grande sensibilité font considérer Paula comme une avant-gardiste « glissant vers le cubisme » et comme étant influencé en fin de sa vie  par les œuvres exposées à Paris en 1906 « de Gauguin comme du Douanier Rousseau ».
L’auteur nous décrit Paula ainsi : « Paula est jeune éternellement. Il reste d’elle une douzaine de photos. Petite, menue. Les joues rondes. Des taches de rousseur. Un chignon flou, la raie au milieu. « D’un or florentin », dira Rilke. » Quel beau portrait : on l’imagine…Elle écrit aussi que Paula considérait avoir une vie enchanteresse, gaie et amicale.
On ne peut qu’être ému du destin tragique de cette artiste qui n’a peint qu’une dizaine d’années. L’art, la littérature et la musique occupaient une place essentielle dans l’éducation des enfants de cette famille et on ne peut qu’admirer l’ouverture d’esprit des parents de Paula pour cette époque. Elle peut suivre des cours artistiques en Angleterre chez un oncle en 1892 puis à Brême en 1893, puis à Berlin en 1896 où elle réalise de nombreux dessins de nu : étonnant pour l’époque et pour une femme !! « Paula est la première  femme à s’être peinte nue après des siècles de regard masculin sur le corps des femmes » nous dit l’auteur : « Les lignes sont fortement marquées et les effets de clair-obscur sont frappants ». Elle  intègre la petite colonie d’artistes de son village natal Worpswede où elle rencontre son futur mari et des amis de Rilke. La nuit du 31 décembre 1900, Paula prend la route pour la France, centre d’attraction pour tous les artistes d’Europe. Elle y retrouve son amie Clara Westhoff qui  travaille comme sculpteur à l’Académie Colarossi et  espère devenir élève de Rodin et Camille Claudel. Elle rencontre le poète Rainer Maria Rilke du même âge qu’elle, né à Prague. Marie Darrieussecq nous écrit des pages magnifiques sur l’amitié qui liera Paula et Rilke.
Elle épouse en 1901 le peintre Otto Modersohn, de 11 ans plus âgé qu’elle. Elle le connait depuis longtemps puisqu’en 1895 elle avait admiré ses tableaux et l’homme « Quelque chose de grand, dans un costume marron, avec une barbe rousse »…Mais Paula reste une femme libre et pétillante. Elle écrit : « Je suis forte, pleine de vie et en bonne santé ». Elle retourne seule plusieurs fois à Paris pour « filer l’amitié parfaite avec Rilke »…et en 1906, elle annonce une rupture avec son mari qui continuera de l’entretenir. Elle aime Paris et  a besoin pour s’épanouir de variétés et de contact avec le monde extérieur. Son mari viendra vivre à Paris avec elle l’hiver 1906-1907. Elle sera alors enceinte d’une petite fille qui nait le 2 novembre mais Paula meurt d’une embolie pulmonaire le 20 novembre 1907.
Il n’est pas étonnant que Marie Darrieussecq se soit passionnée pour cette artiste car elle écrit souvent sur les mêmes thèmes : le travail de la femme, comment concilier l’art et la vie de femme, la maternité.
Je rappelle que Marie Darrieussecq vient de re-traduire le superbe livre de Virginia Woolf « A room of one’s Own » qu’elle traduit par « Un lieu à soi » que toute femme peintre, écrivain, artiste aimerait avoir…et non la sitting-room commune à toute la famille ou la chambre à soi…: clin d’œil à ce sujet dans ce livre sur Paula…
Après avoir lu cette superbe biographie qui se lit d’un souffle tant l’écriture est simple, directe avec des phrases courtes, j’ai hâte évidemment de me rendre à cette exposition à Paris. L’auteur nous dit : « Je n’aurais de toute façon pas pu imaginer écrire mon texte sans qu’on puisse accéder à ses tableaux ».


 

 

 

                                       

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire