lundi 25 avril 2016

Emmanuel Carrère : Il est avantageux d'avoir où aller (n°1 Avril 2016)




Emmanuel Carrère : Il est avantageux d'avoir où aller - P.O.L., 2016 -recueil.

J’ai eu la chance de participer à une rencontre avec l’auteur qui a séduit tous les lecteurs présents par sa façon d’être proche de nous, de parler extrêmement clairement et d’être d’une grande  gentillesse.
Il nous a d’abord dit comment il aime porter son regard sur d’autres vies que la sienne et comment il écrit des textes en s’attachant à des fragments de réalité, à des individus et leurs histoires particulières. D’où l’idée de faire un recueil de ses expériences. Il rassemble dans ce dernier livre une trentaine de textes : reportages, comptes- rendus d’audience, préfaces de livres, chroniques qu’il a écrit entre 1990 et 2015 et qui sont parus dans différents supports : journaux, revues. On suit ainsi en même temps, comme dans une biographie, les événements marquants de sa vie de reporter mais aussi sa vie personnelle, d’autant qu’il emploie la première personne ce qui rend l’ensemble des textes très intimistes. « Il dessine un parcours, relie des points un à un, qui finissent par donner, sinon une unité, du moins une cohérence, une direction à son œuvre ». Il ajoute même de temps en temps « une voix-off » c’est-à-dire de courts apartés au début ou à la fin d’un texte. Il confie : « Je sens le moment où j’ai envie d’intervenir dans le récit, de raconter où j’en suis de cette entreprise et, éventuellement, de ma vie ». Il nous explique comme il aime être journaliste-reporter (et non pas journaliste-éditorialiste, ne pas confondre !!!) : « Le reportage vous fait sortir de chez vous, sortir de vous ». Quand il fait un reportage, il se sent désigner par le sujet : « on est la personne au monde qui peut raconter cela ; on se sent ‘commis d’office ‘ ». Pour répondre à une question de lecteur, il explique le titre de ce livre qui est un peu surprenant, énigmatique et même difficile à dire : C’est un proverbe chinois qui lui a paru bien définir  ce « livre composite ».
Nous irons donc dans le fin fond de la Russie post-soviétique décadente et de la Roumanie de 1990 mais aussi dans les bars parisiens, aux journées de Davos de 2012, à New-York…
Son écriture précise et juste, la lucidité de son regard, la précision des détails, son autodérision envers lui-même et son ironie font de ce recueil un régal de lecture : « on rit souvent dans ces pages pleines d’ironie ». Difficile de citer quelques articles seulement mais en voici quelques-uns : l’interview complétement raté de Catherine Deneuve, les journées de Davos sont très drôles. Plusieurs articles annoncent des livres : l’affaire Jean-Claude Romand qu’il aura beaucoup de difficultés à « raconter » et deviendra un livre à grand succès « L’adversaire » (paru en 1999 puis en 2001 en poche) ; la vie de son ami Limonov, le dernier des Possédés qui deviendra la superbe biographie « Limonov » (paru en 2011 et en 2013 en poche) : « ce voyou, poète, loser, écrivain, soldat, chef de parti »,  nous dit l’auteur ; le récit du tsunami au Sri-Lanka et de la maladie de sa belle-sœur dans le magnifique récit « D’autres vies que la mienne » (paru en 2009 et en 2010 en poche).
Il nous parle de sa passion pour le célèbre auteur américain Truman Capote (1924-1984) : « Une fois par an au moins je relis « de sang-froid ». A chaque fois plus impressionné par la puissance de sa construction et la limpidité cristalline de la prose » dit-il. Il écrit son admiration pour l’académicien Michel Déon (96 ans) qui dit de lui : « Ce qu’Emmanuel a de russe, c’est ce qu’il a de meilleur : une intelligence, un savoir, une philosophie » : bel hommage.
J’ai été passionnée par cette lecture très variée qui donne un « éclairage fascinant sur l’œuvre littéraire » d’Emmanuel Carrère et qui  dresse de multiples portraits mais surtout celui de l’auteur, « en homme, en journaliste et en écrivain ». (Le Monde). Un critique du Figaro termine un article en écrivant : « pas d’information prétendument objective, pas de message, ni d’analyse définitive mais un goût du jeu, une curiosité du détail, un sens de la pirouette et de la figure de style font l’irrésistible attrait de cet ensemble ».
J’ajoute qu’Emmanuel Carrère a écrit un superbe article dans la revue XXI sur  la ville de Calais qui s’intitule « Lettre à une calaisienne » après avoir séjourné dans cette ville du Nord de la France.


livre il est avantageux d'avoir ou aller

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