mercredi 17 décembre 2014

Dominique Bona : je suis fou de toi

livre je suis fou de toi ; le grand amour de paul valery

Dominique Bona : Je suis fou de toi - Grasset, 2014 - biographie.

Le 23 Octobre 2014, Dominique Bona a été la huitième femme à entrer à l’Académie Française, superbement habillée selon les règles mais dans une tenue « Chanel haute Couture » quand même….Dominique Bona est une critique littéraire très reconnue et appréciée et un écrivain que j’aime beaucoup pour ses biographies dans lesquelles elle nous fait découvrir le côté intime et caché de ses personnages. Elle dit d’ailleurs cette phrase amusante : « J’ai arrêté d’écrire des fictions quand j’ai compris que la vraie vie est infiniment romanesque. La réalité dépasse presque la fiction. Ecrire des biographies me permet de vivre d’autres vies que la mienne ». On ne peut oublier ses remarquables biographies sur Stephan Zweig, Camille et Paul Claudel, Berthe Morisot et Clara Malraux dont j’ai fait des fiches dans ce blog.

Ici elle relate la vie et le dernier grand amour de Paul Valéry : Jeanne Voilier (ou Loviton). La première partie du livre met en parallèle  leurs deux vies.

Lui est le poète de la raison et de la volonté, de la lucidité. Toute sa vie il a lutté contre les passions. Il se veut être un bon mari (il a épousé Jeannie en 1900), un bon père et grand-père de famille, un bon professeur au Collège de France, un poète couvert de gloire, un académicien depuis 1925. C’est un travailleur acharné. Il a quelques aventures particulièrement avec l’écrivain Catherine Pozzi avec qui il a une belle complicité intellectuelle dans l’entre deux guerre mais cela ne met pas en péril sa vie de famille.

Elle, Jeanne Voilier, est une femme émancipée pour l’époque : elle est avocate, femme d’affaire car éditrice avec son père, divorcée, libre, indépendante et…infidèle.

Leur rencontre a lieu en 1938. Commence alors la deuxième partie du livre. Lui est âgé de 66 ans : « le cœur de l’écrivain est vite emporté par la belle qui sait recevoir en déshabillé de soie ». Elle a 34 ans. Elle est éblouie. «C’était un grand esprit, une intelligence supérieure mais aussi un homme plein de charme et d’humour » dit Dominique Bona dans un article du Figaro. « Il l’a prise dans ses bras, il l’a aimée. Jeanne est sa drogue » nous dit Dominique Bona. Paul aime le luxe et la beauté qui entourent Jeanne. L’amour qu’il éprouve pour elle dépasse en intensité tout ce qu’il a vécu jusque-là  mais Jeanne l’aime-t-elle autant ? On peut en douter car on devine qu’elle a d’autres amants…Leur passion et leurs rencontres sont évidemment contrariés par la guerre qui les sépare. Valéry note avec inquiétude « des signes d’attiédissement ». L’auteur nous décrit si bien comment les événements influencent leur histoire d’amour et tourmentent Paul Valéry qui vieillit et souffre dans son corps et dans son être alors que Jeanne, plus jeune, surmonte les épreuves plus facilement.

Lentement leur relation se dégrade. On apprend que Jeanne voit toujours Jean Giraudoux. Le sait-il ? Puis elle rencontre l’éditeur Robert Denoël qui sait la protéger, ce qu’elle recherche depuis la mort de son père. On se sent triste lorsqu’on apprend que le véritable homme de la vie de Jeanne fut cet éditeur, Dominique Bona ayant eu le talent de nous attacher à Paul et Jeanne. Le Dimanche de Pâques 1945, elle lui déclare son intention d’épouser l’éditeur. C’est le coup de grâce : il se laissera quasiment mourir : « Tu sais bien que tu étais entre la mort et moi » lui dit-il…Il meurt désespéré le 20 juillet 1945 et a des funérailles nationales.

Il est intéressant de savoir que Dominique Bona a pu compulser les 452 « missives enflammées » écrites par le poète entre 1937 et 1945 et récemment publiées qui « nous montre un Paul Valéry amoureux fou jusque dans la niaiserie. Il est à ses genoux, implorant, suppliant, regrettant, jouissant des quelques heures volées » (Figaro). On dit que les lettres envoyées à Catherine Pozzi ont été brulées à sa demande à sa mort en 1935 mais elles seraient, parait-il retrouvées ???. L’auteur a aussi évidemment étudié les « Cahiers » de Paul Valéry et les 150 poèmes écrits par le poète à sa muse. Elle en joint quelques-uns dans la dernière partie de la biographie, ce qui donne un plus à ce livre.

J’ai beaucoup aimé la façon avec laquelle Dominique Bona nous fait entrer dans l’intimité des deux personnages et nous décrit merveilleusement le milieu des écrivains de la première moitié du 20ème siècle et celui des peintres, Berthe Morisot étant parente de la femme du poète. Sa plume est toujours aussi élégante. « Elle a mis toute son érudition, sa sensibilité et son élégance dans cette biographie passionnée » dit un critique.

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