mercredi 24 septembre 2014

Sorj Chalandon : La quatrième mur

Sorj ChalandonSorj Chalandon : Le Quatrième mur - Livre de poche, 09/2014 - roman français


Sorj Chalandon, ancien grand reporter, m’avait enthousiasmée par deux de ses romans : « Mon traitre » (2008) à propos de son meilleur ami nord-irlandais dénoncé comme informateur des Britanniques puis exécuté par des dissidents de l’IRA, puis « Retour à Killybegs » (grand prix de l’Académie française en 2011) dans lequel il inventait les « mémoires » de son traitre. Puis j’avais eu la chance de le rencontrer et de discuter avec lui à une table ronde de 10 personnes au Salon du livre 2011 : la classe, la gentillesse, la franchise et beaucoup d’émotions en parlant de son traitre qui était même le parrain d’un de ses enfants….

« Le quatrième mur » se passe au Liban en pleine guerre où l’auteur a été reporter. Il nous captive avec le projet de représenter  « Antigone » d’Anouilh sur place à Beyrouth. « Je voulais, dit-il en interview, que mon héros ne soit pas un combattant » d’où l’idée qu’il soit metteur en scène et qu’il monte cette pièce de théâtre qui parle d’engagement, d’ordre, d’autorité. (Cela donne envie de relire cette magnifique pièce de théâtre…)

Son héros, Samuel, un juif grec réfugié à Paris, metteur en scène, tombe malade au moment de partir au Liban pour monter cette pièce et fait promettre à son ami, Georges, metteur en scène aussi, de le remplacer pour mener à bien ce projet… Georges veut accomplir cette promesse faite à son mentor et ira jusqu’au bout de ses possibilités, quitte à en perdre la raison… Pour lui, cette représentation serait un moment de répit, un instant de grâce d’autant qu’elle serait jouée par des comédiens palestiniens, maronites, chiites ou arméniens… Georges part début 1982 à Beyrouth, délaissant sa femme et sa fille et tente ce pari utopique : il va découvrir autre chose que l’amitié qu’il imaginait possible entre des comédiens de toutes obédiences : la guerre, la violence, les bombardements et surtout le massacre des réfugiés palestiniens des camps de Sabra et Chatila dans la banlieue ouest de Beyrouth. L’auteur était à Chatila au moment de ce massacre et lorsqu’il écrit sur cette tuerie quelques temps après, il confie « J’écrivais en respirant l’air lourd du lieu. Tout était intact : la lumière, les regards, les cris, les pleurs, les grillons, les abeilles, le vent, le silence » : il faut avoir vécu ces drames pour pouvoir les décrire comme il le fait : bouleversant.

Le retour de Georges exprime bien « le fameux traumatisme post-guerre » que l’auteur dit avoir ressenti. Comment assumer le décalage entre sa vie de famille et d’amis et les horreurs de la réalité de la guerre.

L’écriture de Sorj Chalandon est telle qu’il nous fait ressentir la tension, l’horreur et l’absurdité de ces combats : « C’est le Liban qui tire sur le Liban » écrit-il. « Cette tentative fantasque et fantastique nous fait mieux comprendre le Moyen-Orient que les meilleurs essais » dit un critique du Figaro.

« Ecriture sèche et hallucinée » (La croix), phrases courtes, bien construites, pas de « faux-semblants » : tout est fait pour nous tenir en alerte. « Magnifique et désespéré », « Le quatrième mur » est le récit d’une utopie et une ode à la fraternité » Télérama. C’est surement aussi un moyen pour l’auteur de dire et d’exprimer sa propre douleur.

On n’en sort pas indemne et ce récit hante longtemps la mémoire !!!

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