lundi 25 août 2014

Dominique Missika : L'Institutrice d'izieu


L'institutrice d'Izieu 

Dominique Missika : L'institutrice d'Izieu - 2014, Ed du seuil - Document

L’institutrice d’Izieu est un beau document sur la vie de cette maitresse d’école qui enseigna aux 44 enfants juifs emmenés par les soldats allemands le 6 Avril 1944, déportés et exterminés à Auschwitz.

Plusieurs parties inégales  en intérêt et en nombre de pages constituent ce témoignage, les parties du procès et de l’après procès étant pour moi les plus captivantes et émouvantes.

Gabrielle Perrier est une jeune institutrice, réservée, sérieuse, passionnée par son métier. Elle est intérimaire dans l’Education Nationale et l’Inspecteur Gonnet la nomme à la rentrée de 1943  institutrice de la colonie d’Izieu dans l’Ain. « Il s’agit d’enfants réfugiés » lui dit-il. La directrice de cette colonie est Madame Zlatin, résistante juive d’origine polonaise aidée de son mari, Miron, pour l’intendance si difficile en ces temps de guerre. Notre institutrice se lie d’amitié avec Léa, une des monitrices qui encadre le groupe d’enfants. La classe est unique et composée de 44 enfants d’origine et de nationalité différentes et Gabrielle doit les répartir en 5 niveaux. Tout est calme à Izieu ou plutôt dans son hameau de Lélinaz encore plus isolé et la colonie vit en autarcie. L’institutrice ne se rendra jamais compte que ces enfants sont juifs et sont en danger…Elle vit en recluse et seule, un peu coupée de la réalité, pourtant la guerre est proche et les combats s’intensifient dans la région. Ces 80 premières pages du document paraissent longues et beaucoup de répétitions alourdissent le texte. On se demande pourquoi Gabrielle n’a jamais soupçonné l’origine juive de ses élèves…

Le premier jour des vacances de Pâques, le 6 Avril 1944, Gabrielle, étant en congé et chez elle, apprend qu’une rafle a eu lieu à la colonie, des soldats allemands ayant emmenés les 44 enfants et leurs 7 moniteurs. Quel choc. Elle sera traumatisée à vie, tant elle était attachée à ses élèves d’autant qu’elle n’exprime à personne son désarroi, son chagrin. (pas de psychologues à l’époque).

« Les crimes de guerre méritent châtiment et la rafle d’Izieu en est un » : Gabrielle va suivre dans les journaux le travail de vérité que fait Madame Zlatin avec courage, dévouement et patriotisme. Jamais Gabrielle ne sera interrogée par quiconque à cette époque. Elle est présente lors des commémorations du 6 avril 1946 mais ne se manifeste pas, elle est trop réservée et sans doute trop traumatisée. Elle suit son petit bonhomme de chemin sans rien dire et est titularisée en avril 1946 et obtient son certificat d’aptitude pédagogique. Les années passent et en 1973, elle épouse Marius Tardy. Elle reste toujours la même, discrète, élégante. Le couple voyage en France puis à l’étranger. Elle prend sa retraite en décembre 1977.

Enfin, et c’est à ce moment que le document devient très intéressant, en Mars 1983, en voyant à la télévision l’arrivée en France de Klaus Barbie, ancien criminel nazi accusé de la rafle d’Izieu depuis 1971 par l’avocat Serge Klarsfeld, « Gabrielle se sent au pied du mur » et écrit une simple lettre à son ancienne directrice Sabine Zlatin. « Que se passe-t-il dans sa tête pour qu’elle prenne la décision de dévoiler ses sentiments » ??? Toujours est-il que le contact est établi et les deux femmes qui ont 15 ans d’écart resteront très liées pour toujours. A lieu alors le premier interrogatoire par deux gendarmes où elle raconte ce qu’elle a vécu avec les enfants et se rend compte que si elle avait été présente à la colonie au moment de la rafle, elle aurait subi le même sort qu’eux.

La quarantaine de pages sur le procès de Klaus Barbie pendant lequel elle doit faire sa déposition est très émouvante, particulièrement la rencontre avec Léa Feldblum, son amie, la seule encadrante de la colonie à être revenue vivante. Elle exprime son soulagement quand ce criminel est condamné à perpétuité.

La dernière partie de ce document relate la vie de Gabrielle qui est maintenant connue et reconnue comme étant une « institutrice exemplaire ». Elle doit rédiger son témoignage, rencontre des anciens voisins de la colonie, voit François Mitterrand en Avril 1994 à Izieu venu pour l’inauguration du Mémorial des enfants d’Izieu, va à Paris aux funérailles de Sabina Zlatin-Yanka, fondatrice de la maison des enfants d’Izieu et sa « patronne », accepte timidement des interviews à la télévision. Elle n’est pas présente pour le première fois en 2009 à la commémoration du 6 avril et meurt en novembre 2009.

Ce témoignage doit être connu et cet hommage à cette institutrice si simple est émouvant : il faut mettre en lumière les gens de l’ombre.

 

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