lundi 5 octobre 2020

Emmanuel Carrère : Yoga (N°1 - Sept 2020)

 Yoga

 

 Emmanuel Carrére : Yoga - P.O.L, 2020 - récit autobiographique


 

Difficile de qualifier, de classer, de cataloguer ce « puissant récit » d’Emmanuel Carrère. Six ans après l’excellent « Royaume », il crée l’événement de la rentrée avec ce fameux « Yoga » qui nous entraîne, non pas dans « un petit livre souriant et subtil sur le yoga » comme il voulait faire mais dans une vaste réflexion sur « les abimes du conflit intérieur ».

Chaque période de sa vie depuis 5 ans nous vaut des pages bouleversantes dans lesquelles l’auteur se livre avec sincérité (je pense. Comme à son habitude), fait des apartés formidables en citant des phrases d’auteurs ou d’amis, des poésies, des références de livres. Il dit dans une interview que ce livre autobiographique qui est dicté par le réel comporte « une part de fiction » pour ne pas blesser ses proches…Il nous fait des aveux touchants sur lui-même, sa détresse psychique, sa façon de chasser ses « vritti, pensées parasites, incessants bavardages qui nous empêchent de voir les choses comme elles sont ».

Les chapitres sont courts, avec titres et sous-titres et s’enchainent les uns aux autres dans « une écriture pleine d’humour malgré la douleur » et d’autodérision qui fait parfois sourire. « On retrouve la fluidité des phrases carrèriennes » (le Monde).

Nous lisons « des choses qui n’ont pas l’air d’aller ensemble. En réalité, si : elles vont ensemble » (4ème de couverture) : il commence par le fameux stage de méditation avec « la grande loi de l’alternance » interrompu par son départ dû aux attentats de Charlie Hebdo avec la mort de son ami Bernard Maris. Il aborde ensuite l’«histoire de sa folie » et de son extrême souffrance avec son année de dépression mélancolique et son hospitalisation de 4 mois où les médecins découvrent sa bipolarité de type 2. Il poursuit sur sa reconstruction en partant avec un ami journaliste pour un reportage en Irak qui s’avère nul puis en allant sur l’île de Leros s’occuper de 4 réfugiés, île où il pense trouver « une seconde chance d’échapper à moi-même ». Il écrit alors des pages magnifiques et émouvantes sur ces jeunes réfugiés et sa façon d’écouter « la polonaise héroïque » de Chopin avec Frederica, cette femme étrange qui l’a accueilli sur l’île. Puis il évoque son amitié pour son éditeur Paul Otchakovsky-Laurens, P.O.L. (qui l’incite à taper sur son ordinateur avec les 10 doigts plutôt qu’un !!!) et la mort de celui-ci en janvier 2018. Il termine en nous laissant espérer qu’il a fait une rencontre qui lui fait dire « Je suis pleinement heureux d’être vivant ».


 

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