lundi 27 avril 2015

Jean-Paul Kauffmann : Remonter la Marne (n°1 Avril 2015)

livre remonter la marne   Jean-Paul Kauffmann : Remonter la Marne - Fayard, 2013 ou Livre de poche, 2014 - récit.

Depuis que Jean-Paul Kauffmann a été otage de 1985 à 1988 retenu par le Hezbollah au Liban, il n'a pas écrit de livre sur « ses déboires personnels survenu il y a 20 ans » dit-il dans ce récit mais il en est évidemment sorti marqué et les sujets de ses livres sont essentiellement l'enfermement et l'évasion. Il a seulement évoqué dans son magnifique livre « La maison du retour » la difficulté et le douloureux ré-apprentissage à une vie normale. J'avais lu aussi « Courlande », superbe évasion avec sa compagne Mara, libraire originaire de ce pays au bord de la Lettonie, que je vous recommande.

Ici il remonte la Marne à pied, sac à dos, 525 Km. Il ne veut pas faire de ce périple une performance car il ne fait en moyenne que 10km par jour . Il veut « ne dépendre que du moment présent ». Il nous évoque les odeurs, les lumières , les paysages traversés avec une écriture élaborée et superbe. Les chapitres sont courts et permettent éventuellement une lecture par intermittence. Nous traversons une France inconnue, celle des villages assoupis, des églises fermées, des écluses et des forêts, de la banlieue parisienne jusqu'au plateau de Langres. « C'est à la fois l'insouciance des guinguettes et des canotiers et la violence des deux batailles pendant la Grande Guerre. » nous dit la revue Lire. Nous traversons aussi des paysages magnifiques et si bien décrits : « La pluie a ressuscité des parfums enfermés par la sécheresse, cette fameuse odeur d'escargot, que répand l'humidité après l'orage ».

Notre écrivain marche sur les traces de Jules Blain qui fit en 1920 le même itinéraire et a écrit « Voyage égoïste et pittoresque le long de la Marne » et qui inspire beaucoup notre auteur.

Les rencontres se multiplient et il n'est pas longtemps seul : un chien « Corniaud », un japonais qui lui offre une flûte de champagne au bord du chemin de hallage, un éclusier qui le loge dans une caravane, un photographe ami Milan « à l’œil acéré » qui fait un bout de chemin avec lui, un libraire, un ancien psychiatre à Saint-Dizier, une amie journaliste bien étonnée de le rencontrer dans « cette France profonde déprimante » (« T'es vraiment maso » lui dit-elle).

L'auteur nous éblouit par sa culture : son amour pour La Fontaine, ses recherches sur Ronsard, Bossuet, André Breton, Simenon dont il croise soit une statue, soit la maison natale, soit une plaque commémorative, ce qui rend ce récit instructif ainsi que les nombreux passages sur les batailles de la Marne qui se sont passées sur les lieux où il a posé les pieds.

Certains passages sont succulents : sur le Champagne, sur le port du sac à dos, sur la « rambleur » qui est la lumière blanchâtre typique de cette région, sur les péniches, sur les menus de ses dîners.

« Nous assistons à 7 semaines de rêveries d'un promeneur solitaire » dit l'Express. Ce récit est « gouleyant » dit-on en Belgique. Cette marche est bucolique et on aime prendre le temps avec l'auteur et rester dans un état contemplatif qui est reposant.


En lisant ce récit, j'ai vagabondé avec l'auteur, calmement, comme en vacances. 

Je l'admire beaucoup, lui que certains nomment ainsi : « Ce paresseux travailleur », « cet épicurien aux allures de clergyman » qui nous transmet « l'intelligence de son regard et la verdeur de sa plume »….

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