mardi 28 octobre 2014

Richard Ford : Canada

Richard FordRichard Ford : Canada - Format poche : Points, 21/08/2014 - roman étranger.

Richard Ford a une prédilection pour décrire la « middle-class américaine » comme dans sa trilogie pour laquelle le roman « Indépendance » a reçu le prix Pulitzer en 1996. Dans « Canada », il nous fait un portrait émouvant du jeune Dell Parsons, cet adolescent ordinaire qui vit dans les années 1960 au cœur du Montana à Great Falls,  dont les parents braquent une banque,événement qui fait basculer sa vie…. : première phrase du roman : « Je vais vous raconter le hold-up que mes parents ont commis »

Dell, devenu professeur d’université vieillissant, à l’âge de 66 ans, nous raconte sa vie à la première personne, faisant parler l’enfant puis l’adolescent qu’il fut et tente de comprendre rétrospectivement le sens de cet événement insensé.

Une première partie nous dresse le tableau de l’ambiance familiale pesante qui règne dans leur modeste pavillon de cette ville maussade. Les parents forment un couple ordinaire quoique plutôt mal assorti : Neeva, mère juive, une minuscule femme brune et myope, ayant renoncé à sa religion, est enseignante et vit « un mortel ennui » près de son mari Bev, un grand gaillard souriant, ancien officier de l’US Air Force, qui s’est embarqué dans un trafic de viandes volées. Berner, la sœur jumelle de notre héros, est une adolescente, plus mûre que son frère, plus révoltée, plus forte. Nous vivons le quotidien de cet enfant soumis et « sage »  auprès de parents complètement déboussolés. Cette partie est nécessaire pour comprendre la suite du personnage de Dell… 

Pour cause de dettes, ce ménage s’improvise braqueur d’une banque avec une « naïveté confondante ». Le Hold-up foireux capote et Neeva et Bev se retrouvent en prison. Dell nous dit : « Leurs règles gouvernaient notre conduite et déterminaient tout ce que nous faisions. Maintenant ils étaient partis et leurs règles avec eux. »

Berner fugue comme on pouvait le prévoir et Dell trouve refuge, en passant la frontière, au Canada grâce à une amie de sa mère afin d’éviter les services sociaux et d’échapper à l’orphelinat. Ce sera la deuxième partie de ce roman. En un instant Dell passe dans le monde des adultes pour lequel il n’est pas du tout préparé et doit réagir devant le sentiment d’abandon total. Il va travailler dans le petit hôtel d’Arthur Remlinger, homme mystérieux, charmeur et manipulateur, un « ancien anar américain qui s’est réfugié dans un coin paumé pour fuir son passé », coin sauvage et inhospitalier mais d’une nature magnifique dans la Saskatchewan. Il croisera une infirmière bienveillante, un indien antipathique, apprendra à chasser, à travailler dans cet hôtel dans des conditions précaires. Il nous dit : « C’était une vie entièrement nouvelle pour moi qui n’avais connu que les bases de l’Air Force et les villes dont elles dépendaient, les écoles, les maisons de location…pour moi qui n’avais jamais eu d’astreintes ni vécu d’aventures, qui n’avais jamais passé une journée entière seul »…

 Ce sera l’apprentissage de la vie  face à la solitude, à la cruauté, à l’indifférence des adultes, à la complexité du monde. De plus il sera le témoin et le complice –malgré lui- de deux meurtres qui le mettront dans un grand désarroi. Comment s’en sortir et devenir un autre ? Quelle est sa capacité à se reconstruire ? Comment « accepter et comprendre les choses même si elles apparaissent dépourvues de sens au départ » ? Ce sont des pages magnifiques sur les pensées de cet adolescent devenant adulte.

Dans la troisième partie, Dell est devenu professeur et nous assistons aux retrouvailles poignantes de Dell avec sa sœur qui est en fin de vie. Magnifique conclusion sur l’évolution de leurs deux vies cassées par l’inconscience de leurs parents. Beaucoup de thèmes sont abordés : l’abandon, la solitude, le basculement de la vie, la maîtrise du destin, la capacité à se reconstruire.

Beau livre sur l’évolution et le cheminement vers l’avenir d’un homme.

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