jeudi 20 décembre 2012

Scholastique Mukasonga : Notre-Dame du Nil

Scholastique Mukasonga : Notre-Dame du Nil - Gallimard, Continents noirs, 2012 - roman. Prix Renaudot 2012.

Le roman se passe dans les années 1960-1970, juste après l’indépendance du Rwanda dans un pensionnat catholique. Cet établissement « perché sur la crête Congo-Nil, à 2500m d’altitude » est complètement isolé et les familles espèrent ainsi donner à leur fille une éducation parfaite et privilégiée de bonnes chrétiennes « près du ciel, loin des garçons ». Ce sont des filles de ministres, de militaires haut-gradés, de riches commerçants, surtout des Hutus. Un quota ethnique impose 10% de Tutsis ce qui ne semble  gêner ni les religieuses, ni le prêtre, ni les professeurs occidentaux.

Dans ce « huit-clos », naissent des amitiés, des désirs mais se déchainent des haines, des luttes politiques, des incitations aux meurtres raciaux, des persécutions… Une certaine fille hutue, Gloriosa, déteste les filles tutsies, particulièrement Veronica et Virginia avec leur petit nez fin tel celui de la statue de « Notre-Dame du Nil », leur sainte patronne. On pressent les drames du Rwanda entre les murs de ce lycée et on apprend beaucoup sur la Société rwandaise avec ce mélange de modernité et de croyances ancestrales avec pour toile de fond les prémices du génocide.

L’auteur est tutsie. Elle est hantée par le génocide de 1994 : alors qu’elle habite en France, elle apprend que 27 membres de sa famille ont été massacrés par les Hutus, dont sa mère… Elle a écrit précédemment des récits poignants sur le massacre des Tutsis. C’est ici son premier roman, d’une très belle écriture, directement en langue française. Elle est devenue « la mémoire de la famille » comme lui avait demandé sa mère. « J’écris pour que mon passé ne soit pas le futur de la jeune génération rwandaise » dit-elle.

Frédéric Beigbeder nous en dit ceci : « Dans les années 1970, les élèves tutsies étaient déjà maltraitées par les lycéennes hutues devant des bonnes sœurs belges impuissantes. La barbarie était en marche et, avec elle, l’indifférence qui mène à l’abattoir. »

Beau livre fort et rude dans un style magnifique : « Rarement une fiction aura, avec une telle puissance, permis de comprendre la monstruosité de la réalité » nous dit un critique.

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