Sylvain Tesson : Sur les chemins noirs - Gallimard, 2016 - récit
La presse a beaucoup
parlé de la chute de l’écrivain Sylvain Tesson du toit d’un immeuble de Chamonix :
cela lui a valu « quatre mois ferme, sans remise de peine » dit-il, à
l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière.
Ayant vu à la
télévision depuis son lit d’hôpital un journaliste parlant de la parution d’un
rapport gouvernemental sur « l’hyper-ruralité », Sylvain Tesson se
fait le serment, s’il s’en sort debout, « d’aller boiter le long de cette
diagonale du vide » (Match) qui traverse la France pour connaître La
Ruralité. Il part des Crêtes du Mercantour à la frontière italienne pour
arriver au Cotentin en ayant traversé la Durance, le Vivarais, les Cévennes, le
Cantal, le Berry, la Mayenne etc…
J’ai suivi son parcours
sur un atlas routier en trouvant les petits villages mentionnés le long du
récit : ce n’est pas une petite marche… c’est un exploit que de faire
quelquefois jusque 40 km dans la journée en boitant, en ayant mal au dos, en
couchant à la belle étoile, en faisant des dénivelés incroyables surtout au
début du périple dans les montagnes et les gorges…. Chapeau !
Que de petits chemins,
que de sentiers, que de forêts avec les bruits, les odeurs, les rencontres,
« par les champs et par les grèves » dirait Flaubert mais aussi
« par les ZUP et par les ZAC » ajoute Sylvain Tesson. Evidemment
après avoir écrit « Berezina » et « Dans les forêts de
Sibérie » qui se passaient dans les grands espaces russes, l’auteur a du
mal à admettre les petits espaces morcelés et « la mondialisation »
actuelle. « Quand on cultive un terroir pendant deux mille ans, il n’est
pas facile d’habiter un village mondial »…dit-il.
Il y a beaucoup
d’humour et d’autodérision mais aussi beaucoup de mélancolie dans ce très beau
récit émouvant. L’auteur reste meurtri de la bêtise de sa chute qui le rend
handicapé et désabusé de se rendre compte que le modernisme va avaler nos
campagnes, que nous sommes un monde en danger, que la ruralité française est
menacée. Mais espérons que les chemins noirs tracés sur la carte IGN l’auront
aidé à chasser ses idées noires. « Sylvain tesson a su tirer de cette
longue balade un récit bref mais puissant, celui de la reconquête physique,
d’une reconstruction intime » (Lire).
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