Jean-Luc Seigle : Je vous écris dans le noir - Flammarion, 2015 - roman français
Pauline Dubuisson se
suicide en 1963 au Maroc à Essaouira en laissant près d’elle des pages
manuscrites illisibles et égarées par la suite. L’auteur a imaginé ce qu’elle a
écrit dans ses pages. A partir d’éléments tirés de biographies et d’enquêtes
sur cette criminelle, Jean-Luc Seigle avocat-écrivain, se met dans la peau de
Pauline et en dresse le portait. Ce « cahier » est écrit à la
première personne ce qui renforce l’intimité avec le personnage.
Avec force et pudeur,
il écrit donc la confession que Pauline fait à l’homme qui l’a demandée en
mariage la veille : elle choisit de lui dire la vérité (son passé et son
meurtre)…
En 1951, cette femme,
de 21ans, a tué son amant parce qu’il ne voulait pas l’épouser car elle avait
un passé indigne : en effet elle fut tondue à la Libération pour avoir eu
des relations sexuelles avec un médecin chef allemand travaillant à l’hôpital
de Dunkerque. Elle n’avait alors que 16 ans…Elle fut jugée pour ce meurtre et
condamnée à perpétuité. Elle sortira de prison au bout de 9 ans pour bonne
conduite. « Je vous écris dans le noir » sont les premiers mots d’une
lettre écrite par Pauline Dubuisson à la veille de son procès juste après sa troisième tentative de suicide…
Elle raconte donc dans son cahier sa
découverte de la sexualité, sa liaison avec un allemand, sa complicité avec son
père, soldat de Verdun, sa relation avec sa mère neurasthénique, la mort de ses
deux frères à la Seconde Guerre mondiale, son arrestation et les viols
collectifs qu’elle a subis, le meurtre de son amant qui a entraîné le suicide
de son père, sa vie en prison. A sa sortie de prison, elle explique les
difficultés à la réadaptation à la vie. Elle reprend des études de médecine.
Elle explique les raisons qui l’ont contrainte à quitter la France et à partir
au Maroc avec une nouvelle identité : en 1960, elle ne peut supporter le
film d’Henri-Georges Clouzot « La vérité » (quelle vérité ???)
pour lequel Brigitte Bardot joue sa propre personne : « Au bout du
compte, neuf années de prison m’avait moins fait souffrir qu’une heure et demie
dans l’obscurité d’une salle de cinéma » écrit-elle.
Elle se découvre et se
dévoile, ainsi que la personnalité de ses parents, sa sexualité, ses vices, ses
tourments, ses drames. Un critique admire « l’extrême lucidité de
Pauline qui refuse qu’on l’excuse mais aimerait qu’on la comprenne ».
L’auteur cherche à rendre Pauline plus humaine car elle était considérée
« comme une criminelle distinguée, hautaine et belle » : elle n’avait
pas l’allure de son crime. Jean-Luc Seigle est un des premiers écrivains à
essayer de réhabiliter cette femme que
l’on a démolie et de nous faire comprendre sa dignité, sa solitude, et sa
fierté.
Ce roman dur et
poignant est extrêmement bien écrit et reste très émouvant.
Beaucoup d’écrivains se
sont intéressés à cette femme. Patrick Modiano l’aurait croisée et en a parlée.
Actuellement vient de sortir « La petite femelle » de Philippe
Jaenada sur Pauline Dubuisson (703 pages)….
On se souvient que
Jean-Luc Seigle a reçu en 2012 le Prix RTL-Lire pour « En vieillissant les hommes
pleurent », magnifique roman.
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