vendredi 27 novembre 2015

Jean-Luc Seigle : Je vous écris dans le noir (n°4 Nov 2015)

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Jean-Luc Seigle : Je vous écris dans le noir - Flammarion, 2015 - roman français

Pauline Dubuisson se suicide en 1963 au Maroc à Essaouira en laissant près d’elle des pages manuscrites illisibles et égarées par la suite. L’auteur a imaginé ce qu’elle a écrit dans ses pages. A partir d’éléments tirés de biographies et d’enquêtes sur cette criminelle, Jean-Luc Seigle avocat-écrivain, se met dans la peau de Pauline et en dresse le portait. Ce « cahier » est écrit à la première personne ce qui renforce l’intimité avec le personnage.
Avec force et pudeur, il écrit donc la confession que Pauline fait à l’homme qui l’a demandée en mariage la veille : elle choisit de lui dire la vérité (son passé et son meurtre)…
En 1951, cette femme, de 21ans, a tué son amant parce qu’il ne voulait pas l’épouser car elle avait un passé indigne : en effet elle fut tondue à la Libération pour avoir eu des relations sexuelles avec un médecin chef allemand travaillant à l’hôpital de Dunkerque. Elle n’avait alors que 16 ans…Elle fut jugée pour ce meurtre et condamnée à perpétuité. Elle sortira de prison au bout de 9 ans pour bonne conduite. « Je vous écris dans le noir » sont les premiers mots d’une lettre écrite par Pauline Dubuisson à la veille de son procès juste  après sa troisième tentative de suicide…
 Elle raconte donc dans son cahier sa découverte de la sexualité, sa liaison avec un allemand, sa complicité avec son père, soldat de Verdun, sa relation avec sa mère neurasthénique, la mort de ses deux frères à la Seconde Guerre mondiale, son arrestation et les viols collectifs qu’elle a subis, le meurtre de son amant qui a entraîné le suicide de son père, sa vie en prison. A sa sortie de prison, elle explique les difficultés à la réadaptation à la vie. Elle reprend des études de médecine. Elle explique les raisons qui l’ont contrainte à quitter la France et à partir au Maroc avec une nouvelle identité : en 1960, elle ne peut supporter le film d’Henri-Georges Clouzot « La vérité » (quelle vérité ???) pour lequel Brigitte Bardot joue sa propre personne : « Au bout du compte, neuf années de prison m’avait moins fait souffrir qu’une heure et demie dans l’obscurité d’une salle de cinéma » écrit-elle.
Elle se découvre et se dévoile, ainsi que la personnalité de ses parents, sa sexualité, ses vices, ses tourments, ses drames. Un critique admire « l’extrême lucidité de Pauline qui refuse qu’on l’excuse mais aimerait qu’on la comprenne ». L’auteur cherche à rendre Pauline plus humaine car elle était considérée « comme une criminelle distinguée, hautaine et belle » : elle n’avait pas l’allure de son crime. Jean-Luc Seigle est un des premiers écrivains à essayer de  réhabiliter cette femme que l’on a démolie et de nous faire comprendre sa dignité, sa solitude, et sa fierté.

Ce roman dur et poignant est extrêmement bien écrit et reste très émouvant.
Beaucoup d’écrivains se sont intéressés à cette femme. Patrick Modiano l’aurait croisée et en a parlée. Actuellement vient de sortir « La petite femelle » de Philippe Jaenada sur Pauline Dubuisson (703 pages)….
On se souvient que Jean-Luc Seigle a reçu en 2012 le Prix RTL-Lire pour  « En vieillissant les hommes pleurent », magnifique roman.


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