Léonard Woolf : Ma vie avec Virginia - Ed. Les belles lettres , 2016 - témoignage traduit de l'anglais par Micha Venaille.
Comment ne pas associer
Léonard Woolf à sa femme Virginia. Venant de lire le journal nouvellement édité
de Virginia Woolf, il me parait évident de parler de son mari Léonard et du
soutien inconditionnel qu’il lui a apporté tout au long de sa vie d’écrivain de
1912 à 1941. Est parue en 2016 un petit recueil éditant une courte
autobiographie de Léonard Woolf : magnifique témoignage de cet homme
décrit ainsi en postface par son neveu : « un homme mince, les
yeux bleus, les cheveux gris, le profil d’un prophète de l’Ancien testament,
drôle, laconique, élégant, même avec ses vieux pantalons en velours… ».
Cette autobiographie
sous forme de journal intime comporte quatre parties.
Dans
« semer », il raconte ses engagements, sa vie scolaire à Cambridge où
il fait la connaissance du frère de Virginia puis son départ pour Ceylan comme
fonctionnaire en 1904 et son retour en Angleterre. Il épouse Virginia dans la
seconde partie « Tout recommencer ». Il l’admire en disant : « Elle
a une beauté éthérée et toujours superbe mais douloureuse à observer dans les
moments d’anxiété et de souffrance ». Il réalise tout de suite que
Virginia a des troubles qui commenceront
par de l’anorexie. Il dit : « J’ai déjà écrit qu’on associe
souvent le génie à la folie. Eh bien, je suis certain que le génie de Virginia
était en lien avec cette instabilité mentale ». Il est le seul à l’époque
à diagnostiquer la maladie de sa femme comme une psychose maniaco-dépressive
avant les médecins qui ne voyaient qu’une dépression et après la lecture des travaux de Freud.
Entre les moments d’euphorie la plongeant dans un travail acharné d’écriture et
les moments de repos imposé, ils réussissent à créer la « Hogarth
Press » et ce sera leur début en tant qu’éditeur dans leur propre maison.
En 1919, ce sera une maison d’édition commerciale. « La pente
descendante » commence dans cette troisième partie : le couple
s’éloigne de la vie parisienne pour fuir l’agitation, les médecins conseillant
à Virginia plus de « sérénité » !!! Ils s’installent à Monk’s
House (que j’ai la chance d’avoir vu : modeste maison dans un petit
village). « Son attitude n’était pas simple » : contraste entre
les soirées à deux dans leur maison
« assez primitive et sans confort » et les « parties »
somptueuses à Londres qu’aimait Virginia (pas Léonard) quand sa santé était un peu plus
stable.
Dans la quatrième
partie « C’est le voyage qui compte, pas le but », Virginia termine
l’écriture de deux livres le 9 mai 1940 et reste épuisée par ce double
travail : Biographie de Roger Fry et Les Années. L’auteur
écrit : « Ces trois cent vingt cinq jours (entre la fin de ce
travail et le jour du suicide de Virginia le 28 mars 1941) ont été les jours
les plus atroces de mon existence…il m’est très difficile de raconter ce que
j’ai vécu, de l’exprimer par des mots ». Il raconte que sa femme rentre
dans une « dépression désespérée » en janvier avec des hauts et des
bas mais quatre jours avant son « départ », elle avait des idées pour
une nouveau roman…La lettre qu’elle écrit à son mari est magnifique et très
émouvante.
Quel bel hommage d’un
mari à sa femme, quel respect l’un envers l’autre, quel soutien extraordinaire
fut Léonard pour Virginia même « pendant les envahissantes heures sombres ».
Son neveu écrit : « Sans lui Virginia n’aurait pas vécu assez longtemps
pour écrire ses chefs d’œuvres ».
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