Delphine de Vigan : Rien ne s'oppose à la nuit - 2011, Ed Lattès - roman
PRIX du Meilleur ROMAN attribué par le jury des Lectrices du journal "ELLE" en mai 2012.
En la rentrée littéraire 2011, nous avons tous lu énormément de
magazines où il y avait des critiques, souvent très élogieuses sur ce roman.
Nous avons écouté beaucoup d’interviews de l’auteur. Nous avons vu la
prestation de l’écrivain à « la Grande Librairie » : nous avons
cru connaître le livre ; mais, NON.
Il faut l’avoir lu pour comprendre comment Delphine de Vigan réussit un récit bouleversant,
d’une grande honnêteté, au plus près de la vérité, inspiré de faits réels sur
sa maman, Lucile, d’une beauté lumineuse, telle que nous la voyons en
couverture du livre mais d’une âme effondrée de l’intérieur.
Delphine de Vigan nous livre donc son enquête et ses
recherches à travers des témoignages, des photos, des écrits, pour essayer de
comprendre sa mère et de restituer au plus juste le parcours de cette femme au
destin tragique.
Les chapitres sont entrecoupés de réflexion de l’auteur sur
ses états d’âmes. Elle a peur de découvrir des vérités, des non-dits, des
souvenirs trop douloureux. Elle ne veut pas faire d’indiscrétion, ne pas
exprimer la douleur de chacun. Ces passages sont bouleversants de sincérité et
de courage et c’est grâce à ces apartés que le livre est si émouvant, pudique,
vrai et original. L’auteur nous dit : « J’ai pris goût à une seconde
voix qui me permet de faire part de mes doutes et de mes interrogations ».
Lucile, troisième enfant d’une famille nombreuse exubérante
et anticonformiste de l’après-guerre, est une petite fille secrète puis une
adolescente silencieuse et distante. Elle est très marquée par des événements
familiaux dramatiques : trois de ses frères sont morts jeunes, le petit
dernier est trisomique.
Puis l’auteur nous raconte sa
propre naissance et celle de sa sœur 4 ans après, sa vie avec sa mère
instable, incapable d’assumer son rôle
de mère (mai 68 est passé par là) : vie de bohême, enfants laissées
seules, aucune structure, drogues et boissons. Elle nous décrit la dérive et la
descente aux enfers de Lucile, ses « bouffées délirantes », sa folie
et comment les deux jeunes filles ont dû faire « avec ».
Puis il y eu une accalmie : « Il fallut apprendre à
lui faire confiance, ne plus avoir peur de la rechute ». Lucile se remet
au travail et aux études. On peut se demander pourquoi elle choisit le métier
si difficile psychologiquement d’assistante sociale, particulièrement
lorsqu’elle travaille pour les « Malades Usagers de Drogues » à
l’Hôpital Lariboisière ?
Lucile fut une grand-mère anxieuse et ultra-protectrice pour
ses petits- enfants au contraire d’avec ses filles livrées à elles-mêmes, si
loin de son regard….
La maladie la rattrape : un cancer du poumon et de là
une retombée dans la folie, le refus de se soigner et le suicide il y a deux
ans : elle voulait mourir « vivante ».
Magnifique témoignage que l’on pourrait conclure par une
phrase de l’auteur : « Ma mère était quelqu’un de mystérieux et
aujourd’hui encore elle le reste ».
Fiche écrite en octobre 2011 au moment de la rentrée littéraire