Jean-Paul Dubois : Tous les hommes n'habitent pas le monde de la même façon - Ed. L'olivier, 2019 - Prix Goncourt
Jean-Paul Dubois, ancien grand reporter, se consacre à
l’écriture deux mois par an pour « se ménager de grands moments de rêve »
dit-il. Il a quand même écrit une quinzaine de romans, particulièrement le Prix
Fémina en 2004 : « Une vie française », fresque géniale sur nos
familles de l’après De Gaulle ainsi que « L’Amérique m’inquiète » et
« « Kennedy et moi » où il décrit si bien les Etats-Unis. Ainsi
cette fois, il change de pays et nous emmène à Montréal au Canada mais aussi au
Danemark. Il se plonge dans un monde qui n’est pas le sien dont il étudie tout
car « il se veut être au plus près du réel » dit-il.
Pour ce roman, il vient de recevoir le Prix Goncourt
2019 : amusant de le voir recevoir son prix habillé d’une simple veste de
survêtement. « Il ne veut surtout pas que sa vie change mais admet ‘ne pas
bouder son plaisir’. Il veut se glisser dans ce prix avec douceur et humilité. »
(Match).
Dans ce roman qui se passe en 2008, Paul (prénom du héros de
tous les livres de cet auteur) est en prison depuis quelques mois et pour deux
ans, partageant sa cellule de 6m2 avec
un « biker », un « Hells Angels », un homme massif et violent,
une brute avec qui, malgré tout, il se lie d’amitié car ce détenu qui peut de
révéler d’une féroce violence, peut aussi être « un agneau
sentimental »… L’auteur n’hésite pas à « décrire en termes parfois
crus le quotidien des deux détenus que tout oppose » (Match). En effet, Paul
est un homme apparemment placide, un personnage travailleur et doux, plein
d’abnégation, très touchant par sa façon d’aborder la vie et les problèmes et
drames qu’il traverse. Cet enfermement lui laisse le temps de faire revivre son
passé et « ses morts bien aimés ». Ainsi en alternant des passages
sur le quotidien carcéral et les souvenirs du narrateur, l’auteur nous fait
suivre toute la vie de son héros : son enfance à Toulouse en France, sa
mère féministe directrice d’un cinéma d’Art et d’Essais, son père pasteur danois dans le Jutland, une
région « où l’on parle exclusivement le poisson dès la naissance », sa découverte du
Danemark alors qu’il est adolescent, son arrivée au Canada et son travail d’intendant-concierge-homme
à tout-faire d’une résidence pour seniors aisés ( (l’auteur dit s’être
inspiré du gardien d’immeuble de sa belle-mère), sa chère femme Winona
mi-indienne mi- irlandaise et son « indispensable » chien, Nouk.
Son travail passe d’intendant
à super-intendant : il est non seulement gardien et homme à tout
faire mais aussi confident de ces personnes âgées qui luttent contre la
solitude et la vieillesse. On sent la tension monter mais on ne saura la raison de sa condamnation
et de son emprisonnement qu’en fin de
récit.
L’auteur réussit à glisser dans le texte ses sujets
favoris : le cinéma, les voitures, les motos, les matchs de sport, la
passion pour les chiens, les amours
brisés, les morts subites… Très belles descriptions du narrateur, personnage
attachant entouré de seconds rôles bien vus dans un style fluide, parfois très
ironique, très agréable à lire.
« L’auteur
observe puis décrit, sans forfanterie aucune, les hommes comme ils sont :
généreux ou mesquins, intègres ou tyranniques, désenchantés pour la
plupart » ( Figaro) d’où le titre de ce roman, une phrase-clef que
répétaient inlassablement le père et le grand-père de Paul.
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