Jean-Paul Kauffmann : Venise à double tour - Ed des Equateurs, 2019 - récit et enquête
Jean-Paul Kauffmann est
grand reporter pour « L’événement du Jeudi » lorsqu’il est enlevé et
gardé comme otage au Liban de mai 1985 à mai 1988. Il parle peu de son
enfermement et n’évoque jamais directement son expérience d’otage dans ses
livres précédents. Dans ce récit, il fait un peu plus d’allusions à son
isolement de trois ans et surtout aux difficultés de « cette épreuve
qui a transformé mon être profond » dit-il. Ce sentiment d’enfermement est-il la raison
pour laquelle il recherche à Venise les Eglises fermées…
Notre auteur part donc
6 mois à Venise avec l’intention d’en rapporter un livre, en dépit des mises en
garde de tous, car « tout ce qu’on peut ressentir a déjà été dit »
écrit Mary McCarthy dans son livre « En observant Venise ». Elle
recommande « ne pas craindre d’accepter la beauté de Venise telle qu’elle
est ». Jean-Paul Kauffmann va s’y attacher mais en voulant fouiller plus
que tous et en essayant de faire ouvrir quelques 40 églises fermées au public.
C’est devenu même chez lui une « obsession ». Il veut aussi retrouver
un tableau vu lors d’une visite précédente, 50 ans plus tôt….
Des amis et
connaissances vont l’aider dans cette quête : une restauratrice de tableaux,
un ami parisien viticulteur près de Venise, un architecte, une guide touristique,
tous décrits avec beaucoup de réalisme (on les imagine…). Il nous fait partager
ses rendez-vous plus ou moins réussis avec une bureaucratie
« insondable » et le Grand Vicaire « impénétrable »…
Des lectures vont
l’accompagner : Lacan, Sarthe, Mary McCarthy, Goethe, Musset, Paul Morand,
Hugo Pratt (avec il a visité cette ville et qui lui avait dit ; « Ce
sont des lieux d’ombre et de silence. Ils doivent le rester ».
Il fait donc son
enquête (« je m’attarde sur des riens qui sont tout » dit-il) et
devient un « rôdeur » dans Venise : c’est une extraordinaire
promenade que nous lisons avec les odeurs, la lumière « sensuelle et
indéfinissable », les bruits (cloches, vaporetto) les sensations, la
beauté des jardins, des ruelles, la musique, ses églises désaffectées et
fermées, ses chapelles à l’abandon, ses couvents moribonds : cette Venise « secrète, incertaine,
singulière ».
Tout est occasion pour
faire des apartés sur lui-même : il se décrit ainsi : « Je n’ai
pas toujours l’air commode », sur son sens olfactif très développé, sur sa
façon d’observer, sur son éducation religieuse et son ange gardien, puis aussi
sur ses goûts artistiques, sur la musique qu’il aime, sur la façon de déguster
du vin, sur la cuisine italienne etc…
La Croix résume en
disant : « Il parvient à renouveler l’approche intime,
sensuelle, littéraire, olfactive et sonore de la Serenissime »
L’auteur dit de ses
livres : « Mes livres entremêlent l’essai, l’histoire,
l’autobiographie, le récit de voyage, l’enquête, la chronique » et ce pour
notre plus grand plaisir.
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