samedi 26 mars 2016
Philippe Besson : Les passants de Lisbonne (n°2 Mars 2016)
Philippe Besson : Les passants de Lisbonne- Julliard, 2016 - roman français.
Dans le jardin
mélancolique et désert d’un grand hôtel de Lisbonne, Matthieu, homosexuel d’une
trentaine d’année, rencontre Hélène, femme plus âgée que lui, belle et triste.
Un dialogue s’instaure
entre les deux personnages. Elle, elle vient de perdre son mari dans un
tremblement de terre dévastateur à San Francisco. Lui, il vient de recevoir une
lettre de rupture de son ami Diego qui vit à Lisbonne. Ils vont s’aider à
surmonter leur mal-être depuis le départ de l’être aimé en se faisant de
longues confidences sur leur souffrance différente mais aussi cruelle. Hélène
dit : « Il y a des degrés dans la souffrance mais pas de
concurrence entre les souffrances ». Ils s’expriment en toute confiance,
de façon intime et sincère, « sans tabou ni faux semblant ». Hélène
raconte en détails le déroulement des faits qui lui ont fait comprendre qu’elle
ne reverra pas son mari. Lui raconte son amour pour Diego, son immense chagrin
de la séparation mais aussi son attitude volage, « la brutalité du
désir » envers d’autres hommes mais aussi d’autres femmes :
« parfois c’est une fille mais là encore forcément une inconnue.. »
Ils se retrouvent dans
ce jardin ou ils se promènent dans Lisbonne ce qui nous vaut de belles
descriptions de cette ville, de ses ruelles tortueuses et en pente, de ses
lieux de rencontre, de son cimetière…
Nous lisons donc avec
beaucoup d’émotions de belles réflexions sur le deuil, l’absence, l’abandon
mais le tout est un peu long et tellement triste…
A lire quand on est en
forme.
Serge Joncour : L'écrivain national (n°3 Mars 2016)
Serge Joncour : L'écrivain national - Flammarion, 2014 ; J'ai lu, 2015 - roman français.
Dans ce roman, Serge Joncour aborde les thèmes qu’il aime : à travers une enquête sur une disparition, le héros, que l’on présume être l’auteur, rencontre un bel amour et il nous écrit une passionnante réflexion sur le statut d’écrivain.
Etant invité dans un
village rural de Bourgogne pour un mois en résidence d’écrivain où il pense
faire une pause et prendre un repos mérité, il lit à son arrivée le journal
local. Il y voit la photo d’une jeune fille. Il est subjugué et ému par la
beauté de ce portrait et apprend que le compagnon de cette jeune femme est
suspecté d’être mêlé à la disparition d’un octogénaire cinglé mais riche que
l’on nomme « Le Commodore ». Il veut retrouver cette femme et
commence à faire son enquête. Il est de ce fait mêlé à l’affaire qui remue tout
le village car ce disparu avait vendu son terrain pour la construction d’une
scierie industrielle. Cette implantation divise le village : les ruraux
veulent garder leur tradition avec leur ancienne scierie, le maire y voit un intérêt
pour la vie du village et ses propres profits…
Cependant, en même
temps notre auteur rencontre ses lecteurs, fait des conférences et des séances
de dédicaces, est invité par le Maire qui le nomme « notre
écrivain », « l’écrivain national ». il écrit des pages magnifiques
sur l’écriture, l’inspiration, le statut de l’écrivain et répond aux
questionnements des lecteurs : un écrivain doit-il vivre tout ce qu’il
écrit ? Peut-il tout se permettre ? Il mêle dans ce roman sa propre
vie et d’autres vies fictives : « l’écrivain s’en sort en mixant le
réel, l’étrange, le personnel, l’universel, le local, le global, le comique et
le tragique » (Lire)
Ce roman m’a beaucoup
plu par la variété des sujets abordés : l’amour, la rumeur, la découverte
du monde rural, le travail d’écrivain, l’actualité, la lutte entre les ruraux
et les nouveaux venus. C’est un peu un roman noir tant l’atmosphère est par
moment étouffante et lourde mais le style est subtile et aussi plein d’humour.
Thomas B. Reverdy : Il était une ville (n°4 Mars 2016)
Thomas B. Reverdy : Il était une ville - Flammarion, 2015 - roman français
Un article
« Welcome in Détroit » m’a interpellée : des journalistes sont
allés à Détroit, l’ancienne Motor City, capitale de la voiture, l’une des
emblèmes de « l’american way of life » pour constater l’effondrement
de cette ville frappée par la crise en 2008 et mise en faillite en 2013.
« Le temps de la voiture reine est loin ». Il est écrit dans cet
article : « La ville abrite encore de belles braises que nous sommes
allés dénicher et, note d’espoir, pour ces ruines, le temps des artistes
et des créatifs est venu : on achète des maisons à très bas prix, on les
retape de ses propres mains » : espoir donc de renaissance de cette
ville, ce qui fait plaisir. Cet article m’a donné l’envie de lire le roman de
T. B. Reverdy qui se passe à Détroit.
La ville de Détroit est
donc le héros de ce livre. Les habitants qui le peuvent ont fui cette cité sans
avenir : rues et quartiers pétrifiés, maisons abandonnées, fenêtres
condamnées par des planches, immeubles squattés. L’auteur y fait vivre quatre
personnages principaux : Eugène, jeune ingénieur français qui travaille
pour « l’Entreprise », venu ici mettre en place un projet innovant et
se rend vite compte de l’imposture ; un groupe de gamins désœuvrés sous
l’emprise d’un plus âgé, Stro, qui fait du sale boulot pour un caïd local.
Charlie fait partie de cette bande et cet adolescent fugueur est très bien
décrit ; la grand-mère de Charlie, la vieille et pieuse Georgia, qui préviendra
la Police de la disparition de son petit-fils : magnifique grand-mère… ;
un inspecteur de police Brown qui essaie de faire régner un peu d’ordre dans
cette jungle urbaine et qui est chargé de l’enquête sur la disparition
mystérieuse des enfants et ados.
Tous ces personnages
sont merveilleusement décrits « avec une magistrale richesse de
vocabulaire et d’images » (BPT) « dans une prose charnelle,
infiniment pudique et sensible ». Le Monde dit : « La désolation est
racontée avec délicatesse et sans esbroufe ».
C’est une sorte de thriller psychologique bien
ficelé, envoûtant et inquiétant dans une ambiance d’ « apocalypse
lente » avec des personnages bien caricaturés. Télérama
écrit : « Reverdy exprime de manière troublante la poésie
mélancolique de ce monde à l’envers où flottent malgré tout des étoiles ».
Inscription à :
Articles (Atom)