Dominique Missika : L'institutrice d'Izieu - 2014, Ed du seuil - Document
L’institutrice d’Izieu
est un beau document sur la vie de cette maitresse d’école qui enseigna aux 44
enfants juifs emmenés par les soldats allemands le 6 Avril 1944, déportés et
exterminés à Auschwitz.
Plusieurs parties
inégales en intérêt et en nombre de
pages constituent ce témoignage, les parties du procès et de l’après procès
étant pour moi les plus captivantes et émouvantes.
Gabrielle Perrier est
une jeune institutrice, réservée, sérieuse, passionnée par son métier. Elle est
intérimaire dans l’Education Nationale et l’Inspecteur Gonnet la nomme à la
rentrée de 1943 institutrice de la colonie d’Izieu dans l’Ain. « Il
s’agit d’enfants réfugiés » lui dit-il. La directrice de cette colonie est
Madame Zlatin, résistante juive d’origine polonaise aidée de son mari, Miron,
pour l’intendance si difficile en ces temps de guerre. Notre institutrice se
lie d’amitié avec Léa, une des monitrices qui encadre le groupe d’enfants. La
classe est unique et composée de 44 enfants d’origine et de nationalité
différentes et Gabrielle doit les répartir en 5 niveaux. Tout est calme à Izieu
ou plutôt dans son hameau de Lélinaz encore plus isolé et la colonie vit en
autarcie. L’institutrice ne se rendra jamais compte que ces enfants sont juifs
et sont en danger…Elle vit en recluse et seule, un peu coupée de la réalité,
pourtant la guerre est proche et les combats s’intensifient dans la région. Ces
80 premières pages du document paraissent longues et beaucoup de répétitions
alourdissent le texte. On se demande pourquoi Gabrielle n’a jamais soupçonné l’origine
juive de ses élèves…
Le premier jour des
vacances de Pâques, le 6 Avril 1944, Gabrielle, étant en congé et chez elle,
apprend qu’une rafle a eu lieu à la colonie, des soldats allemands ayant
emmenés les 44 enfants et leurs 7 moniteurs. Quel choc. Elle sera traumatisée à
vie, tant elle était attachée à ses élèves d’autant qu’elle n’exprime à
personne son désarroi, son chagrin. (pas de psychologues à l’époque).
« Les crimes de
guerre méritent châtiment et la rafle d’Izieu en est un » : Gabrielle
va suivre dans les journaux le travail de vérité que fait Madame Zlatin avec
courage, dévouement et patriotisme. Jamais Gabrielle ne sera interrogée par
quiconque à cette époque. Elle est présente lors des commémorations du 6 avril
1946 mais ne se manifeste pas, elle est trop réservée et sans doute trop
traumatisée. Elle suit son petit bonhomme de chemin sans rien dire et est
titularisée en avril 1946 et obtient son certificat d’aptitude pédagogique. Les
années passent et en 1973, elle épouse Marius Tardy. Elle reste toujours la
même, discrète, élégante. Le couple voyage en France puis à l’étranger. Elle
prend sa retraite en décembre 1977.
Enfin, et c’est à ce
moment que le document devient très intéressant, en Mars 1983, en voyant à la
télévision l’arrivée en France de Klaus Barbie, ancien criminel nazi accusé de
la rafle d’Izieu depuis 1971 par l’avocat Serge Klarsfeld, « Gabrielle se
sent au pied du mur » et écrit une simple lettre à son ancienne directrice
Sabine Zlatin. « Que se passe-t-il dans sa tête pour qu’elle prenne la
décision de dévoiler ses sentiments » ??? Toujours est-il que le
contact est établi et les deux femmes qui ont 15 ans d’écart resteront très
liées pour toujours. A lieu alors le premier interrogatoire par deux gendarmes
où elle raconte ce qu’elle a vécu avec les enfants et se rend compte que si
elle avait été présente à la colonie au moment de la rafle, elle aurait subi le
même sort qu’eux.
La quarantaine de pages
sur le procès de Klaus Barbie pendant lequel elle doit faire sa déposition est
très émouvante, particulièrement la rencontre avec Léa Feldblum, son amie, la
seule encadrante de la colonie à être revenue vivante. Elle exprime son
soulagement quand ce criminel est condamné à perpétuité.
La dernière partie de
ce document relate la vie de Gabrielle qui est maintenant connue et reconnue
comme étant une « institutrice exemplaire ». Elle doit rédiger son
témoignage, rencontre des anciens voisins de la colonie, voit François Mitterrand
en Avril 1994 à Izieu venu pour l’inauguration du Mémorial des enfants d’Izieu,
va à Paris aux funérailles de Sabina Zlatin-Yanka, fondatrice de la maison des
enfants d’Izieu et sa « patronne », accepte timidement des interviews
à la télévision. Elle n’est pas présente pour le première fois en 2009 à la
commémoration du 6 avril et meurt en novembre 2009.
Ce témoignage doit être
connu et cet hommage à cette institutrice si simple est émouvant : il faut
mettre en lumière les gens de l’ombre.