Joan Didion : Le Bleu de la nuit - Grasset, 2013 - roman autobiographique.
Ce livre est considéré comme roman. Je pense que c’est plutôt une biographie poignante de l’auteur qui se pose maintes questions sur la mort et surtout celle de sa fille Quintana à l’âge de 39 ans : « « Est-il malheur plus grand pour les mortels que de voir mourir leurs enfants » a écrit Euripide » nous rappelle l’auteur. « Il s’agit pour l’auteur de s’expliquer à elle-même un fait opaque, totalement scandaleux et inexplicable de la mort d’un enfant » écrit Florence Noiville dans Le Monde.
Joan Didion nous
égraine avec simplicité et sincérité les moments de sa vie avec sa fille et de
là, pose des questions sur l’adoption, la maternité, l’enfance, l’adolescence,
le mariage puis sur la maladie, la vieillesse, la mort ce qui entraîne une
réflexion sur la mélancolie, l’absence, les regrets, les doutes, la fragilité,
la peur, la douleur maternelle.
L’adoption de cette
petite fille lui a apporté beaucoup de joies mais aussi de doutes « Et si
je me révèle incapable d’aimer ce bébé ? ». Elle évoque avec lucidité
les changements apportés à sa vie de couple à la venue de cet enfant.
L’enfance de Quintana
se passe sur les plateaux de cinéma et dans les grands hôtels avec ses parents
artistes : ce furent des années lumineuses mais on sent déjà les failles
et les angoisses : cauchemars de l’enfant puis de l’adolescente :
« Je voudrais juste m’enfouir sous terre et m’endormir » dit la jeune
fille….Cette enfant était taraudée par des peurs qu’elle transmettait à sa mère
qui se pose la question : a-t-elle eu une enfance privilégiée ou
sacrifiée ????
Le mariage de Quintana
est décrit avec ce souvenir plusieurs fois répété dans ce récit comme une
musique : « l’épaisse natte qui lui tombait dans le dos était
piquetée de fleurs de stephanotis » Quelle belle image !
Puis ce fut une maladie
soudaine (pas d’explication sur le nom de la maladie) et la mort : « Ce
n’était pas censé lui arriver » (phrase musicale souvent répétée aussi dans
ce récit magnifique). Ce passage est poignant mais Joan Didion ne veut pas
s’apitoyer sur son sort… Quel courage.
La fragilité de sa
fille, Joan Didion la ressent maintenant avec le vieillissement dont elle
repousse les limites : « Garder le cap au-delà de l’endurance ».
Les dernières pages sont bouleversantes lorsque l’auteur nous dit « la
peur de perdre ce qui reste à perdre ».L'écriture sèche, précise, lumineuse de l'auteur se prête à merveille à tous ces questionnements et les répétitions de certaines phrases dans des circonstances différentes (et si??) donne un rythme et une musique au texte. L'auteur a "une capacité à mettre des mots sur son ressenti le plus intime". Un critique ajoute : "le Bleu de la nuit est d'une certaine manière la bande-son d'un deuil : belle expression.
Ce magnifique livre de réflexion
intense est renversant et poignant : à lire en ce sens
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