samedi 22 juin 2024

Eric Fottorino : Mon enfant, ma soeur (N°1 - juin 2024)

Mon enfant, ma soeur - 1

 Eric Fottorino : Mon enfant, ma soeur - Gallimard, 2024 - témoignage

 Grande émotion en lisant ce magnifique témoignage d’Eric Fottorino (ancien directeur du journal Le Monde), écrivain sensible qui a une vie personnelle bouleversante et bouleversée : il a déjà écrit sur le thème de sa famille :  sur son père de cœur  (« L’homme qui m’aimait tout bas », Grand Prix des lectrices de ELLE en 2012) et sur son père de naissance (« Question à mon père »).

Ici il écrit sur « sa petite sœur fantôme » : lorsqu’il a 60 ans, « il apprend de la bouche de sa mère qu’il a une sœur, née trois ans après lui ». Cette maman a besoin de dire enfin ce secret à ses trois fils « abasourdis ». Elle a accouchée de cette petite fille en Janvier 1963. Elle a été contrainte par sa mère d’abandonner son enfant dès la naissance et a signé « l’acte d’abandon sous la pression maternelle » : elle ne l’a pas vue, pas touchée, n’a aucun document, aucune trace. L’auteur se lance « dans une quête des indices introuvables » comme un détective privé. Il se reproche de ne pas avoir compris le silence et le malheur de sa maman : « toute sa vie maman l’a passée/ à ne pas vivre ». Quelques indices lui permettent d’avancer dans son enquête et il rencontre des personnes formidables pour l’aider dont une lui dit :  « ici on vient avec son cœur »… Un critique de la Croix écrit « Cette évaporée anonyme, arrachée de force, hante Eric Fottorino, l’envahit, l’obsède. Et si elle est vivante, l’a-t-il croisée sans le savoir ? »… L’auteur écrit : « Tu m’as manquée et je l’ignorais/tu étais un creux au ventre/un point de côté »…

Ce texte est écrit comme un long poème en prose et vers libres, très agréable à lire. Certains passages sont à déclamer à voix haute tant les rimes, un peu comme des jeux de mots, sont fortes : « J’ai tout fait/j’étouffais » ; «être/naitre/n’être rien ».

Evidemment impossible de vous dévoiler la fin « éblouissante » de cette quête et enquête.

Edouard Louis : Monique s'évade (N°2 - juin 2024)

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 Edouard Louis : Monique s'évade - Seuil, 2024 - témoignage

 

A la Grande Librairie, Edouard Louis était très émouvant et ému en parlant de sa mère qui lui a demandé une aide urgente l’année dernière par téléphone : « une nuit sans fin ». Il consigne donc dans ce témoignage une étape supplémentaire à l’émancipation de sa mère qui, encore une fois, se retrouve dépendante et maltraitée par son troisième compagnon ou mari : il la bat, il l’insulte, la rabaisse, la terrorise. Elle subit agressions, humiliations et violences. Trop, c’est trop : elle croyait trouver à Paris avec « l’autre » comme elle le nomme, le bonheur. Au moment de ce coup de téléphone en pleurs de sa maman, l’auteur est en résidence d’écrivains à Athènes. Il lui conseille de fuir et lui organise, depuis la Grèce, une nouvelle vie et l’aide pour son évasion et sa reconstruction, d’abord chez lui puis dans le village de sa sœur. Comment cette femme, avec sa singularité et son histoire, réussit à s’adapter dans cette vie nouvelle alors qu’elle a toujours été dépendante des hommes avec qui elle vivait ? Quel courage, quelle volonté pour conquérir sa liberté et échapper à la fatalité de son destin. « L’angoisse et le manque d’argent : je les avais toujours vus associés dans la vie de ma mère » écrit l'auteur. Il insiste aussi sur le fait que la liberté a un prix, c’est-à-dire elle  a été possible puisqu’il pouvait aider sa mère matériellement et moralement. Il raconte « combien il est difficile de renaître quand on a ni argent, ni formation professionnelle, ni diplômes » et « tout ce qu’il faut de forces pour changer de vie ». «  La liberté est une revanche »….

Magnifique témoignage « chargé d’amour et d’admiration sur le courage d’une femme dont les épreuves n’ont pas su ternir la lumière »…

 

David Foenkinos : La vie heureuse (N°3 - Juin 2024)

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 David Foenkinos : La vie heureuse - 2024; Gallimard - roman

 

Comme beaucoup de lecteurs, j’ai adoré les 13 livres fantaisistes, genre comédies douces-amères, de cet auteur,  portés par une écriture fluide, légère et pleine d’humour dont le roman, La Délicatesse, écrit en 2009 et adapté au cinéma en 2011.

En quelques mots, dans ce roman, David Foenkinos raconte comment un homme déprimé peut revenir à une vie joyeuse et équilibrée. Cet homme essaie de bousculer son quotidien en acceptant une mission à Séoul, travail proposé par une ancienne copine de classe. Il rate complètement la mission de cette amie et lui laisse un mot « on se reverra ». Une expérience insolite et thérapeutique lui est proposée dans cette ville si étrange et cela va le transformer et le ramener à la vie.

J’ai beaucoup aimé les descriptions de Séoul, la balade au Musée Rodin à Paris, l’aventure d’Amélie avec un Américain « un Valmont de pacotille », les sensations du héros durant les confinements, les réflexions sur la vie actuelle : par exemple, un jeune envoie au héros un émoji, un pouce jaune : « ce qui évitait les mots et les phrases » et une note en bas de page nous dit « il avait fallu des siècles d’évolution pour retourner ainsi aux hiéroglyphes »…

Cet auteur sait bien imaginer des histoires  tendres et des personnages indécis en décalage avec les autres. Quel roman « réjouissant », « drôle et léger », disent les critiques.  Quelle bonne lecture originale dans le style de cet auteur doué pour les phrases courtes et concises qui m’enchantent : « le lecteur referme le roman le sourire aux lèvres ».

 

Jean-Christophe Ruffin : D'or et de jungle ( N°4 - juin 2024)

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Jean-Christophe Rufin :D'or et de jungle - 2024, Calman-levy - roman

 

Ceux qui lisent ce blog depuis quelques temps savent que j'admire énormément Jean-Christophe Rufin et ai déjà commenté tous ses livres ! J'admire l'écrivain mais aussi l'Homme et son parcours : ambassadeur, académicien, président d'Action contre la faim, ancien interne en neurologie, pionnier de l'aventure de Médecins sans frontières...Ses livres me passionnent, aussi bien « Un léopard sur le garrot », un récit autobiographique que « Le grand Cœur » en passant par « Rouge Brésil et « Katiba ». Il reste un homme libre qui « continue de promener son regard sur notre époque » et se dit être de la « famille des romanciers peintres », ce qui le qualifie bien. Depuis quelques temps, il s’est lancé dans l’écriture de romans d’aventures et policiers qui m’enchantent comme les péripéties de son consul Aurel…

Dans ce roman, il a eu l’ambition d’imaginer comment mettre en place « un coup d’état » d’un nouveau genre « clefs en main » et le livrer à une grande entreprise californienne du numérique.

Comment mêler Flora, petite-fille d’un mercenaire, « habitée par l’irrépressible goût de l’action, de l’interdit et du danger » avec ses collaborateurs, agents de sécurité d’une entreprise privée, avec des hackers expérimentés dans les technologies numériques les plus modernes, des mercenaires de la scène internationale, le tout dans un sultanat de Bornéo.

Tout y est pour faire un roman d’aventures très contemporain, haletant jusqu’au dernier chapitre. Un bon roman d’une belle écriture à lire en vacances