samedi 18 novembre 2023

Gaëlle Josse : La nuit des pères (N° 2 - Nov 23)

  Gaëlle Josse : La nuit des pères - 2023 , Notabilia - roman

L’auteur nous écrit sur « les blessures des enfants devenus adultes ». Ce récit se passe dans un village de Savoie. Le père, ancien guide de montagne, a la mémoire qui flanche et oublie le présent et les réflexes quotidiens. Isabelle revient voir ce père si dur, taciturne, et même brutal durant sa jeunesse, lui pour qui sa fille n'était pas une priorité, après des années d’absence volantaire, et son frère, vivant seul et bourru. Un dialogue s’instaure tout doucement après des années de silence sur les histoires familiales. Ce père va confier à ses enfants sa terrible histoire et sa souffrance, qui pourrait expliquer son comportement.

"Dans ce huit-clos, au coeur des Alpes, trois personnes s'affrontent après des années de silence et évoquent les mots blessants et l'absence d'affection apparente dont ils ont souffert" (Fémina)

  Magnifiques et émouvants chapitres intitulés « Nous étions des enfants » et « Les bras d’un frère ».

 Le Monde écrit : « Est-ce que comprendre permet de pardonner ce qui a eu lieu ? »

Roman court, écriture concise, belle, fine et juste, insistant sur le poids des paroles entre parents et enfants et sur le pardon. Une réussite comme tous les livres de cette auteure auxquels on ne peut rester insensible.

La nuit des pères - 1

Sorj Chalandon : L'Enragé (N°1 - Nov 23)

L'enragé - 1

 Sorj Chalandon : L'Enragé -Grasset, 2023 - roman

 

Sorj Chalandon : L’enragé

En 1932, Jules, 13 ans, est envoyé à la colonie pénitentiaire de Haute-Boulogne à Belle-île, « maison d’éducation surveillée » renommée … Son nom de guerre y est : La Teigne. Jules a la rage : « Pas une plainte, pas une larme, pas un cri et aucun regret » bien qu’il lutte contre la peur, la violence, le détresse et la colère. La nuit du 27 Août 1934, 56 gamins s’évadent de leur maison de correction sauf un…C’est Jules et son histoire que nous relate Sorj Chalandon qui dit avoir rêvé d’être ce personnage, La Teigne, dans son enfance maltraitée et tyrannisé par son père. C’est une course pour la liberté pour Jules avec ses rencontres, ses traitrises, ses soutiens…

Le texte est dur et bouleversant. L’auteur sait écrire avec justesse sans mélo d’une « plume incisive » « la violence contenue, l’amitié muette, la hargne des humiliés et la révolte des enfants ».

C’est un livre qui marque et auquel on repense souvent.

Cet auteur m’a déjà séduit avec les deux romans sur « Mon traître », « Le quatrième mur », « Profession du père ».

 

jeudi 2 novembre 2023

Philippe Claudel : Crépuscule (N°1- Sept 23)

Crépuscule - 1

 Philippe Claudel : Crépuscule - 2023, Stock - roman

  • Philippe Claudel, secrétaire général de l’Académie Goncourt, a l’habitude de nous emmener vers des pays imprécis, lointain, souvent dans une ambiance « d’une noirceur implacable sur la déchéance de l’humanité ».

    Ici nous sommes quelque part entre l’Empire austro-hongrois et la Russie au début du 20ème siècle dans un village éloigné de tout avec des hivers interminables : givre, vent, neige, glace, tempête, froid. Dans ce village où cohabitent sans heurts catholiques et musulmans, le curé a été assassiné.

    Le Policier Nourio « au teint olivâtre », maigre, moustachu, maltraitant sa femme, va mener l’enquête avec l’aide de son adjoint Baraj, un géant avec une âme d’enfant, « tête rêveuse », aimant les chevaux du poste de police, adorant ses chiens, protégeant les faibles et particulièrement la jeune Lemia.

    Evidemment ce meurtre fait monter  la tension  et les religions s’affrontent : l’Imam tente de calmer le jeu ; le policier espère une promotion s’il trouve le meurtrier, l’adjoint surveille tout le monde….

    Ce roman devient un policier « remarquablement construit » dans ce village si bien décrit que l’on l’imagine aisément ainsi que tous les personnages, dans cette atmosphère lugubre et ce climat angoissant.

Laurent Binet : Perspective(s) (N° 2 - sept 23)

 

 Laurent Binet : Perspective(s) - 2023, Grasset - Roman

Perspective(s) - 1 

 

C’est « un polar historique épistolaire ». Dans l’Italie de la Renaissance, à Florence en 1557, un peintre de renom Jacopo da Pontormo est tué. Il peignait depuis une dizaine d’années des fresques dans l’église San Lorenzo.

 A Florence, à cette époque, règne Cosimo de Médicis, cousin de Catherine de Médicis, reine de France, qui donne l’ordre à Giorgio Vasari, son homme de confiance, de trouver le tueur. L’enquête est menée rondement, « agrémentée de digressions esthétiques, politiques, sentimentales et spirituelles souvent brillantes » (Le Figaro), les suspects étant nombreux et nous en prenons connaissance à travers 176 lettres que s’envoient ce petit monde de la peinture (Michel-Ange s’en mêle), de la politique et du monde religieux avec les lettres des sœurs d’un couvent. Le meurtrier est à trouver parmi les auteurs de ces lettres.

Cette plongée dans l’art Italien du 16ème siècle est absolument succulente, passionnante jusque la dernière lettre. Cet auteur est coutumier « des exercices littéraires audacieux » (lire Civilizations).

 Par contre il faut être bien attentifs et avoir sous les yeux un petit mémo des différents correspondants des lettres (ce qui est fait en début du livre).