Patricia Bouchenot-Déchin : J'ai l'énergie d'une lionne dans un corps d'oiseau - Ed Albin Michel, 2022 - roman biographique
Rosa Bonheur (1822 – 1899) s’impose comme la plus célèbre artiste animalière du XIXème siècle. Elle fut longtemps inconnue en France mais fut une star à l’étranger, surtout en Grande-Bretagne. On commémore cette année en France le bicentenaire de sa naissance, en créant une superbe exposition au Musée d’Orsay jusqu’au 15 janvier 2023 de cette artiste « hors-norme, novatrice et inspirante » et en consacrant une émission télévisée sur son château de By, animée par Stéphane Bern (les Secrets d’histoire diffusée en Octobre).L’auteure, historienne et conseillère scientifique chargée de la restauration du parc du Château de By de Rosa Bonheur à Thomery, près de Fontainebleau, nous plonge dans l’intimité de la peintre depuis sa petite enfance à Bordeaux (« un garçon manqué ») puis à Paris dès ses 8 ans, son père y étant parti en 1828 pour rejoindre les Saint-Simoniens. Il rentre à leur couvent en 1832, sans s’occuper de sa femme et de ses 4 enfants.
La vie est très dure pour cette famille et la mère meurt l’hiver 1833 d’épuisement ou de choléra. Rosa pleure beaucoup sa maman et est tentée de « se laisser emporter pour la retrouver » mais il faut compter sur l’énergie de l’enfant qui, malgré tout, suit les traces de son père qui lui a appris très jeune le dessin et la peinture ainsi qu’à ses frères et sœurs qui ont tous un métier artistique. Rosa fréquente le Louvre et en 1841, ses œuvres sont exposées au Salon des Peintres. En 1848, elle reçoit la médaille de Première Classe pour son œuvre « Bœufs et taureaux, race du cantal ». Et l’Etat lui commande « Labourage nivernais ». Son père meurt en 1849 et Rosa s’installe alors dans son propre atelier et fait en 1853 son fameux très grand tableau « Le marché aux chevaux ». Sa popularité va grandissante. Sa cohabitation quotidienne avec les animaux nous vaut ces fameuses toiles d’un réalisme étonnant : bœufs, chevaux, chiens, cerfs et fauves. Elle fréquente les abattoirs, habillée en homme pour croquer ses modèles puisqu’elle a obtenu la « permission de travestissement » pour pouvoir porter un pantalon… Elle montre « une curiosité insatiable pour la diversité des espèces et leur biotope » et a une « vision exceptionnelle de la flore et de la faune ».
Elle aura tous ces animaux sous les yeux dans le parc de son château de By (privé actuellement et visitable) où elle s’installe en 1859 avec son amie d’enfance Nathalie Micas et où elle s’entoure d’« une véritable ménagerie comptant des dizaines d’espèces différentes »
Un collectionneur belge Ernest Gambart devient son protecteur et lui organise des expositions et des rencontres, particulièrement à Londres où elle sera courtisée par le célèbre Edwin Landseer, connu pour ses peintures animalières de chiens.
Après la mort de son amie Nathalie en 1889, elle rencontre Anna Klumpke, qui devient sa « sœur de pinceau » et qui viendra vivre au Château jusqu’à la mort de Rosa en 1899.
Formidable biographie, très agréable à lire, bien documentée et qui nous décrit à merveille cette peintre qui cherche à exprimer dans sa peinture et sa sculpture « l’âme des animaux » et soulève des questions actuelles : « la place des femmes dans l’art et la société, la cause animale et sa place dans la ruralité et l’écologie ».