samedi 6 mars 2021

Laure Hillerin : La comtesse Greffulhe (N°2 - Fev 21)

La Comtesse Greffulhe

 Laure Hillerin : La comtesse Greffulhe - Flammarion, 2014 et Libres Champs et poche 2018-  biographie

 

L’écrivaine, Laure Hillerin, est une historienne renommée, spécialiste du début du 20ème siècle. Elle a eu accès à « un riche fonds d’archives privées inédites » pour écrire cette biographie sur la fameuse Comtesse Greffulhe (1860-1952), ce personnage exceptionnel qui eut « une immense influence sur son temps » : c’est la « Belle Epoque » et tout le gratin de la haute société française mais aussi le gotha européen défilent chez elle rue d’Astorg où elle tient salon. Cette femme superbe, surnommée « l’archange aux yeux magnifiques », bien née et richissime, œuvre sans relâche pour les arts, les sciences et même la politique.

Cette biographie se lit comme un roman. L’auteur ressuscite Notre Comtesse dans sa véritable dimension à travers ce portrait extraordinaire d’une personnalité d’exception – originale, élégante, mais aussi généreuse, artiste et visionnaire puisqu’elle a écrit une étude sur « les droits à donner aux femmes » en 1904 dans lequel « elle juge ‘révoltante’ l’inégalité de traitement dont sont victimes les femmes vis-à-vis de la loi »…sans réclamer l’égalité des sexes « ni possible ni désirable »…

La Comtesse a reçu une éducation hors normes pour l’époque : son père, Joseph de Caraman-Chimay est issu d’une grande lignée de mécènes et de mélomanes. Sa mère, Marie de Montesquiou, était une femme exceptionnelle, cultivée, musicienne, très proche de sa fille, leur correspondance si intime le prouve. C’est une mélomane férue de Wagner, amie de Fauré, et aussi proche de Clémenceau, soutien de Léon Blum, mécène de Marie Curie (création de l’Institut du radium qui devint l’Institut Curie), amie de Rodin de longues dates et qu’elle rencontre  « par une chaleur torride  en ce début d’été 1914 sur la malle Calais-Douvres ».

Quand elle se marie en 1878 avec le comte Henri de Greffulhe, elle ronge son frein avec ce mari qui collectionne les maitresses et l’oblige à vivre à la campagne près d’une belle-mère acariâtre et une belle famille qui n’aime que la chasse. « Lire un livre, jouer du piano, c’est perdre son temps » lui dit-on.

A la mort de sa mère à l’âge de 50 ans après avoir surmonté ce désarroi, la Comtesse devient « un entrepreneur de spectacles » pour des bonnes œuvres.

La dernière partie enchantera « les proustiens » car Proust a rêvé de la rencontrer et « d’ausculter de près le comte de Greffulhe (modèle quasiment vrai du duc de Guermantes qu’il approche grâce à son amitié avec le Duc de Guiche, gendre de la comtesse) et devient le plus assidu des admirateurs de la Comtesse en s'inspieant d’elle pour créer Oriane de Guermantes  décrivant « son port de tête et de cou : « J’étais là, je la guettais pour la voir passer, dans la grâce de son cou, sous l’oiseau qui avait l’air de s’être posé lui-même, c’était une félicité »…

Superbe biographie de celle qui fut « la muse de Proust » et belle image de la Belle Epoque à Paris

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