Lola Lafon : Chavirer - 2020, Actes Sud - roman
« L’un des plus beaux et des plus forts livres de la rentrée littéraire de l’automne » a dit François Busnel à la Grande Librairie. En effet le lecteur reste bouleversé par le destin de Cléo qui, à 13 ans, rêve d’être danseuse de « Modern-Jazz » en 1984 et que l’on suit jusqu’à l’âge adulte. J’aime beaucoup la façon dont Lola Lafon aborde le sujet de l’emprise ainsi que la construction du texte et l’écriture originale.
Cette adolescente se laisse embarquer et embobiner par Cathy, rabatteuse et généreuse aux yeux de Cléo, qui lui fait croire qu’une fondation peut lui offrir une bourse pour devenir « une étoile ». Cléo s’applique, transpire, doit se montrer responsable (on se souvient du premier livre de l’écrivaine « La petite communiste qui ne souriait jamais » paru en 2014 dont l’apprentissage était si douloureux). Cléo, pour cela, doit se rendre dans un appartement des beaux quartiers pour prouver sa maturité et y subit des abus sexuels par des prédateurs bien organisés. Par la suite, elle devient elle-même recruteuse pour plaire à cette Cathy, enjôleuse qui exerce une terrible emprise sur l’adolescente. De là Cléo culpabilisera toute sa vie d’avoir brisé d’autres vies. Elle se sent victime, coupable et pleine de remords. Elle deviendra « danseuse invisible » de l’émission Champs-Elysées.
On apprend la vie de Cléo à travers le regard d’autres personnages qu’elle croise : « une meilleure amie, une amante féministe, une costumière ». Cette façon de découvrir l’évolution de Cléo est une marque de fabrique de l’écrivaine qui aime entrecroiser des destins (comme dans son roman Mercy, Mary, Patty paru en 2017)
Plusieurs sujets sont abordés avec finesse, humanité et sensibilité : la pédophilie, le consentement, l’embrigadement, l’emprise. Cléo est-elle victime ou coupable ?
On pensera au livre de Vanessa Springora « Le consentement » (paru en septembre 2020) qui avait le même âge au moment des faits.
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