samedi 2 mai 2020
Christian Signol : Même les arbres s'en souviennent (N°2 - Avril 20)
Christian Signol : Même les arbres s'en souviennent - 2019 - Albin Michel - roman français
Voici le dernier livre de Christian Signol qui vit entre la
Corrèze et le Lot dans un décor fastueux depuis 1986 et passe son temps entre
la pêche à la mouche et l’écriture, « jamais plus de deux heures par jour »,
dit-il.
Dans une interview reportée dans la revue LIRE, Christian
Signol évoque un genre littéraire dont il se sent proche, le « nature
writing », littéralement « écrire avec la nature » : c’est
un mouvement littéraire né aux USA mêlant
« observation de la nature et considération autobiographique »
et forme un « texte environnemental ». Le modèle du genre est l’américain
Jim Harrison (on se souvient de ‘Légendes d’automne’ et ‘Dalva’ publié en 1988
). C’est donc ce que nous écrit Christian Signol dans ce superbe roman, en nous
faisant découvrir son héros, Emilien, né en 1915, paysan du haut plateau du
Massif Central de la Corrèze.
C’est à la demande de son arrière petit-fils, Lucas,
qu’Emilien retrace sa vie : la première partie relate sa prime jeunesse :
il est placé à 6 ans comme « ouvrier agricole ». Si jeune, quelle
épreuve pour l’enfant et la mère devenue veuve et sans ressources. Cette maman
aimante accepte un mariage « arrangé » à condition de pouvoir
reprendre son fils auprès d’elle, celui-ci étant tombé gravement malade. Le
mari, Félicien, brave homme, possède une petite ferme sur le plateau à
Lombatie, hameau de « 6 maisons basses aux fenêtres étroites ». Commencent
alors pour Emilien la vie à la ferme et
ses durs travaux pour un jeune enfant et à l’école où il est un élève très
brillant. Félicien meurt et la mère et le fils héritent de la ferme. Emilien
fera le choix de rester avec sa mère plutôt que de faire des études à la ville.
Commence alors « un moment de confiance » et de joie pour le jeune
homme et la mère avec la lenteur de vivre du monde paysan de l’époque, si bien
décrit par l’auteur. Emilien se marie avec une jeune femme du village. Ils ont
deux enfants et l’un d’eux aura Lucas. Mais commence aussi le moment de la
désertification des campagnes à cause de la mécanisation et de la politique du
Marché Commun mais aussi le moment du confort avec l’électrification, l’eau
potable, le chauffage central, tous ces sujets étant chers à l’auteur.
Ce roman magnifique parle à tout le monde. On s’attache aux
personnages comme à des amis. On se régale des descriptions de la nature et des
arbres. On a l’impression de retrouver ses racines. C’est du « pur
Signol » : « une réflexion sur la transmission, un éloge de la
ruralité disparue et de ce territoire qui court de Brive au Lot » (LIRE)
Philippe Grimbert : Rudik, l'autre Noureev (N°3 - Avril 20)
Philippe Grimbert : Rudik, l'autre Noureev - Plon, 2015 et poche, 2016 - roman français
« Incroyablement crédible » sont les mots d’un
critique à la parution de ce roman. En effet à la lecture de ce récit, on se
demande vraiment si c’est une vraie biographie mais non, c’est un roman…
« Grimbert fait revivre l’enfant blessé tapi derrière la
star » (Elle). L’auteur est donc un écrivain mais aussi un psychanalyste
et le narrateur de ce roman est LE psychanalyste de Noureev (1938-1993) qui, on
le sait, fut le fabuleux danseur et le « colérique directeur » du
ballet de l’Opéra de Paris de 1983 à 1989.
Comment ce psychanalyste qui devrait garder ses distances
avec son patient va « succomber » à cette légende vivante et être si
troublé par cet homme attachant au point de « multiplier les entorses à la
neutralité bienveillante de tout freudien qui se respecte » (Express). On
peut ainsi connaitre l’artiste russe qui a été un enfant battu par son père
communiste en Russie (il en garde une cicatrice à la lèvre), oublié par sa mère
puis un danseur entré en dissidence en 1961 en passant à l’Ouest et en étant
bisexuel avec des « amours tout azimut ». Au moment de cette analyse
en 1987, il est miné par le sida et souffre de dépression.
Superbe roman qui nous fait découvrir un « Noureev plus
fascinant qu’on ne l’imaginait ».
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