Patrick Grainville : Falaise des fous - ED. du Seuil, 2018 - roman français
Patrick Grainville a
obtenu le prix Goncourt en 1976 avec « Les flamboyants ». Il est
considéré comme « l’ex-enfant terrible des lettres » et à 70 ans
« il n’a rien perdu de sa fougue revendiquant toujours une enivrante
liberté romanesque » (La Croix) tel que nous l’avons vu cet hiver à
l’émission de la Grande Librairie.
26 romans et une vingtaine
de livres d’art plus tard, il nous écrit un roman « stupéfiant de
fluidité, d’aisance et de virtuosité ». Son héros raconte, dans un long
récit très dense, sa vie qui commence au temps de la naissance des Impressionnistes
et se termine dans les années 1920 qui verront la naissance du Cubisme qui se
passe essentiellement à Etretat et en Normandie, lieux mythiques pour la
peinture.
Charles est rentier à
21 ans, blessé par un tir en Algérie au moment de la résistance kabyle et vit
avec aisance grâce à son oncle bienveillant (sa mère étant morte lorsqu’il
était petit et son père ayant disparu à sa naissance) dans une maison à Etretat
de laquelle il peut contempler la mer déchainée ou calme, les rafales de vent
sur les falaises, la plage, les embruns, la vie des marins. Ce normand qui aime
l’aventure, les grands espaces, les ballades en mer, les moments de
contemplation, les femmes, est très attachant et extrêmement bien
« croqué ». Sur « sa plage », il rencontre Monet jeune et
débutant, posant son chevalet devant les Portes d’Amont et d’Aval, la
Manneporte et l’Aiguille.
Puis les compagnons de
l’artiste : Courbet (portrait surprenant de ce grand homme), Boudin
(peintre des ciels de la côte d’Albâtre), Manet, Degas, Pissaro puis le jeune
Picasso. Il y croise Maupassant, Victor Hugo, Zola et le jeune Proust. Peintres
et écrivains se côtoient pour des fêtes mémorables.
Notre héros s’éprend de
Mathilde, sa voisine. Elle est mariée à un collaborateur de Haussmann,
« entrepreneur exalté par les promesses des progrès, les prouesses de la
Science et les prodiges du capitalisme naissant » (la Croix) ce qui nous
vaut des discussions succulentes entre le mari et l’amant de Mathilde. Charles
emmènera sa maitresse à Fécamp voir le départ des terre-neuvas (magnifique
passage) ou au Havre admirer les premiers grands paquebots partir vers
l’Amérique. Il aura ensuite pour maitresse Anna, la fille de Mathilde, qui
s’essaie à la peinture, qui lui fait connaitre la vie artistique parisienne
puisqu’elle côtoie les peintres, va au vernissage des expositions, connait ce
milieu particulier. Ils iront ensemble à Rouen voir Monet aux prises avec la
façade de la cathédrale, à Giverny où Monet continue de peindre ses célèbres
Nymphéas, indifférent à la guerre, complétement plongé « dans l’absolu
création ».
Nous traversons en même
temps la vie politique de l’époque avec Barrès, Léon Daudet, Clémenceau, l’affaire
Dreyfus ainsi que les grands événements tel que l’incendie du Bazar de la
Charité, la catastrophe minière de Courrières, le drame du Titanic et la première
Guerre Mondiale.
Livre très dense, très
documenté sur la peinture et l’histoire de ce début du vingtième siècle,
passionnant, extrêmement bien écrit, un peu fantaisiste par moments….
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