dimanche 6 mai 2018

Marceline Loridan-Ivens avec Judith Perrignon : L'amour après (N°1 - Avril 2018)

livre l'amour apres



Marceline Loridan-Ivens avec Judith Perrignon : L'amour après - Grasset, 2018 - témoignage - coup de coeur


On a vu la silhouette frêle de cette femme âgée à la chevelure rousse à la télévision lors du décès de Simone Veil : elles furent toutes deux déportées en même temps à Birkenau et rescapées, eurent des parcours différents et ne partageaient pas les mêmes opinions politiques mais s’étaient retrouvées en 1955 puis plus tard et étaient des amies inséparables.
L’auteure écrit ce texte avec la journaliste Judith Perrignon, célèbre plume de Libération de 1991 à 2007 et « auteure d’ouvrages pour lesquels elle a mis ses talents d’écriture au service des autres » : magnifique complicité  qui nous vaut ce « livre sur l’amour, l’Amour après ». Comment s’en sortir après avoir été « une fille de Birkenau ».
L’auteure  retrouve une vieille valise, « sa valise d’amour » à laquelle « elle n’avait pas touché depuis plus de cinquante ans » et nous fait partager la relecture des lettres jaunies : « des phrases amicales, amoureuses, fâcheuses et menteuses » dit-elle. Ce sont surtout les lettres des hommes qui ont traversé sa vie particulièrement celles très émouvantes de son deuxième mari, le grand cinéaste Joris Ivens, de 30 ans son aîné, de Francis, son premier mari, amour de jeunesse, de Freddie, d’Edgar Morin, de Georges Perec, de Michel et Henriette, ses frère et sœur, mais aussi celles de ses « amies d’infortune » des années 1950 rencontrées à Saint-Germain-des-Prés Caramel, Eliane, Jacky. Elle remémore aussi ses rencontres, particulièrement celles avec Simone Veil.
Avec beaucoup de naturel et franc-parler, elle raconte comment « elle s’est réappropriée cette dimension affective et sensuelle de la vie qui lui semblait interdite » (Télérama).
Magnifique témoignage à lire absolument.

Chantal Thomas : Souvenirs à marée basse (N°2 - avril 2018)


 livre souvenirs de la maree basse


Chantal Thomas : Souvenirs de la marée basse - Seuil, 2018 - roman autibiographique.

Lors de la sortie du film « L’échange des princesses », réalisé par Marc Dugain, auteur dont j’ai lu avec beaucoup de plaisir de nombreux romans, on a parlé de  Chantal Thomas qui a écrit le roman paru en 2013 et le scénario de ce beau film sorti récemment. Cela m’a donné envie de lire le dernier livre de cette auteure, récit autobiographique  sur sa jeunesse en première partie « Le temps d’Arcachon » et sur sa relation avec sa mère Jackie en deuxième partie « D’autres rivages ».
D’une écriture « précise et affûtée » et très poétique, l’auteure décrit son enfance à Arcachon de 1946 à 1963. Elle nous décrit cette ville d’Arcachon, la ville des quatre saisons, où sont arrivés ses grands parents pour les premiers congés payés en 1936 et où ils sont toujours revenus puis installés. L’auteure évoque les sensations de sa plus tendre enfance qui se passe essentiellement à la plage : ramper, marcher, toucher l’eau puis nager. Puis elle décrit sa première grande amitié avec Lucile : toutes deux « enfant de la plage », contrairement aux enfants venus en touristes quelques jours. Elle y voit sa mère (sûrement une bipolaire, dirait-on maintenant) nager le crawl tous les jours pour établir des performances surveillées par son père. Pour Jackie, la natation est un « « rite solitaire, conduite de survie, manifeste de style »  qui la rend « calme et détendue » : «  nager était son seul but, les histoires des autres ne l’intéressent pas »…
 Cela nous vaut des pages magnifiques sur la mer, ses couleurs, ses changements, sur la façon de rentrer dans l’eau, de nager, de s’ébattre, de flotter, de plonger, de perdre pied, d’ « aimer l’eau » ainsi que des citations de Paul Morand sur le crawl tirées de son livre « Bains de mer ». La devise de la famille pendant la jeunesse de l’auteure était : « Sports, Vacances, Joie, Soleil », leitmotiv écrit sur les albums de famille.
Puis l’auteure perd son père âgé de 43 ans et sa maman devient une jeune veuve de quarante ans « oublieuse, lunatique » qui désire quitter Arcachon pour la Côte d’Azur. Sa santé mentale se dégrade et les deux femmes n’arrivent pas à communiquer si ce n’est par cartes postales ou « appels longues distances ». En fin de récit, elles se retrouvent « voluptueusement » autour d’un plateau de fruit de mer et d’un vin blanc.
Très belle évocation de la transmission entre les  générations, grands-parents et parents de l’auteure, sur les sensations de la prime enfance, sur les relations mère-fille et très beau portrait d’une époque.


Olivier Bourdeaut : Pactum salis (N°3 - avril 2018)

Olivier Bourdeaut : Pactum salis - Ed. Finitude, 2018 - roman - coup de griffe

 livre pactum salis

Nous avions tous été enthousiasmés par le premier roman d’Olivier Bourdeaut « En attendant Bojangles » qui nous a séduit par sa fantaisie allant jusqu’au drame  et sa « musique » (la chanson, Mr Bojangles de Nina Simone, nous restant en tête) et par son écriture directe, poétique et drôle.
Ce roman, « Pactum Salis » a un étrange titre venant d’un proverbe latin : l’amitié est un pacte de sel, ce qui n’est pas expliqué dans le récit…
C’est l’histoire d’une rencontre loupée de deux hommes d’une trentaine d’année : Jean, lassé de ses études  de droit à Paris, devient ramasseur de sel de Guérande pour faire un retour à la nature et Henri, agent immobilier (premier métier de l’auteur) est euphorique de gagner tant d’argent et obsédé par le prix du ‘mètre carré’ à Paris. Il séjourne dans un palace de La Baule. Donc deux trajectoires que tout oppose. Leurs aventures et leurs rencontres n’ont pas d’intérêt et sonnent faux : ils picolent, voient des filles, se disputent, se quittent, se revoient…
Le style est classique et « emprunté », les phrases sont surchargées d’adjectifs et cette écriture n’a rien à voir avec la fantaisie du précédent roman.
C’est donc un moment de lecture décevant, un peu relevé en fin de livre avec une dernière phrase qui annonce une suite…mais « Ce Pactum Salis nous laisse sur notre faim »  (critique de la Voix du Nord)