vendredi 28 avril 2017
Jonathan Coe : Numéro 11 (N°2 Avril 2107)
Jonathan Coe : Numéro 11 - Gallimard, 2016 - roman.
Jonathan Coe fut connu en France avec « Testament à l’anglaise », paru en 1996 et prix du meilleur livre étranger. Il est intéressant pour les lecteurs de ce Numéro 11 d’avoir lu ce « testament » qui était une satire de l’Angleterre pendant les années Thatcher car on retrouve ici « les tribulations de la détestable et cupide famille Winshaw à travers ses héritiers toujours aussi malveillants »…Ce n’est pas une suite mais une variante du « testament ». L’auteur brosse la situation politique, sociale et morale dans les années 2010 en Angleterre.
Jonathan Coe revient
donc avec son 11ème roman, intitulé Numéro 11 et paru le 11/11/2015…sur
ses thèmes préférés : la spéculation immobilière, les émissions de
téléréalité, les coupes dans les dépenses publiques et les aides sociales. Rien
n’a changé en Angleterre : « les puissants le sont toujours plus et
les faibles continuent à s’escrimer à vivre », nous écrit-il.
« Cinq séquences
gigognes avec pour fil rouge deux
héroïnes : Rachel, fille de bonne famille et Alison, son amie d’enfance,
noire, homosexuelle et handicapée moteur » que l’on suit sur 20 ans. Je
rappelle que le sous-titre est « quelques contes sur la folie des
temps ». Difficile de raconter chaque épisode tant de sujets sont abordés
dans cette fiction britannique. Je peux citer quelques moments forts : la maman d’Alison qui reste le plus longtemps
possible dans le bus n°11 pour profiter de la chaleur ; la médecine à deux
vitesses avec son système de santé qui choisit les bons et les mauvais malades,
les riches ou les pauvres ; les riches qui font construire des immeubles de 11
étages…en sous-sol ; les séquences de téléréalité d’une cruauté
incroyable, effroyable de stupidité et de bassesse ; le suicide de David
Kelly, expert en armement sur fond de guerre d’Irak ; le dernier chapitre
entre dans le règne de la science-fiction et les univers fantastiques avec ces
fameuses toiles d’araignées et ces créatures terrifiantes et dévorantes qui
peuvent hanter le lecteur quelque temps ; mais le monstre n’est pas celui
qu’on croit….
Beaucoup de plaisir, de
rire, d’humour avec cette comédie psychologique sociale et politique. (On ne
rit pas autant que dans ses précédents livres : « la vie très privée
de Mr Sim » ou « La pluie avant qu’elle tombe »). L’auteur
dit : « Ce que j’ai eu envie de faire avec Numéro 11, ce n’est
pas uniquement de la critique sociale mais aussi une réflexion sur la place de
la nostalgie dans nos vies. Je voulais tenter de répondre à la
question : ‘Comment passe-t-on de l’enfance au monde adulte ?’ »
Seul conseil pour cette
lecture, connaitre les idées de Jonathan Coe, avoir lu « Testament à
l’anglaise » ou le parcourir, aimer l’Angleterre, les anglais et leur
humour et ne pas être trop nostalgique pour ne pas sombrer dans la mélancolie
de ce roman plutôt noir et le désarroi de l’Homme du XXIème siècle. Je conclus
en citant cette critique de ELLE : « Ingénieux, désopilant et
mélancolique : un régal de satire, dans lequel Jonathan Coe attaque même
l’illusion que le rire peut changer le monde ».
Seul conseil pour cette
lecture, connaitre les idées de Jonathan Coe, avoir lu « Testament à
l’anglaise » ou le parcourir, aimer l’Angleterre, les anglais et leur
humour et ne pas être trop nostalgique pour ne pas sombrer dans la mélancolie
de ce roman plutôt noir et le désarroi de l’Homme du XXIème siècle. Je conclus
en citant cette critique de ELLE : « Ingénieux, désopilant et
mélancolique : un régal de satire, dans lequel Jonathan Coe attaque même
l’illusion que le rire peut changer le monde ».
Magyd Cherfi : Ma part de Gaulois (n°3 avril 2017)
Magyd Cherfi : Ma part de Gaulois - 2016, Actes Sud - Récit autobiographique.
Magyd Cherfi nous enchante par ce roman autobiographique ou autofictif puisqu’il y mélange des faits réels et fictifs. Il est le parolier du groupe Zebda et écrit ses propres chansons et cela se sent dans son écriture évocatrice du langage d’un quartier Nord de Toulouse dans les années 1970 où il passa sa jeunesse qu’il raconte dans ce récit : « Sans angélisme et non sans humour, il raconte ce quartier de Toulouse où il sera le premier fils d’immigré maghrébin à décrocher le bac » (Les Inrock.). Il sera le premier « bac arabe » de la cité.
On se régale avec des
chapitres sur sa mère, sur l’esprit de famille, sur les copains, sur le soutien
scolaire puis sur ses lectures et la littérature qui lui sauvent la vie :
il se fait casser la gueule parce qu’il lit « Une vie » de Maupassant
ou on le traite de « tapette » et on l’insulte parce qu’il suit des
études. Il ne fait pas bon de passer pour un « intello » dans ce
quartier : Magyd et ses inséparables, Samir le militant et Momo l’artiste
de la tchatche, en font l’expérience au quotidien.
On aborde énormément de
sujets : la difficulté de vivre dans les cités (sujet d’actualité), le
rôle des « grands-frères » auprès des filles et des petits, la fierté
des mères, la politique avec l’arrivée de Mitterrand au pouvoir, le sentiment
de trahison envers les siens que Magyd ressent en s’instruisant, le courage des
immigrés qui essaient de s’intégrer avec énergie, humanisme.
Chaque phrase est un
petit bijou d’écriture « mélangeant syntaxe précieuse et tournures
familières » (Elle), quelque fois un peu difficile à lire : il faut
le lire à haute voix.
On sourit beaucoup en
lisant ce récit d’autofiction drôle, plein d’autodérision, toutefois un peu
long et répétitif en fin de lecture. Il fut un grand succès littéraire
(participant à une sélection du Goncourt).
Il n’en est pas de même dans ce quartier de
Toulouse. Un habitant de la cité, ancien ami de l’auteur, évoqué dans ce récit,
Miguel, s’estime « sali et outragé » et a déposé plainte pour
diffamation…A suivre cette polémique.
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