lundi 27 février 2017
Yeonmi Park : Je voulais juste vivre (N°2 fev 2017)
Yeonmi Park : Je voulais juste vivre - Ed Kero, 2015 en anglais et traduit en français en 2016- Témoignage.
Ce livre est un magnifique témoignage
d’une jeune Nord-coréenne qui a 13 ans au début de ce récit.
Elle raconte sa vie en
Corée du Nord où elle est née en 1993 à Hyesan (une carte en début de livre
aide beaucoup le lecteur à se situer). Elle garde un souvenir de sa prime
enfance plutôt agréable car cette
famille était débrouillarde et optimiste. Mais lorsque le père est arrêté, tout
s’écroule et commence pour elle et sa sœur une vie d’une pauvreté inouïe,
pauvreté matérielle et pauvreté mentale. Ces deux enfants connaissent la faim,
la peur, la solitude mais aussi subissent la dictature des « Kim »
qui ne laisse aucune liberté aux habitants. La propagande les oblige à ne pas
penser de leur propre volonté : « On nous apprend à tout mémoriser et
la plupart du temps il n’existe qu’une seule réponse à chaque question ».
Plus tard quand on lui demande sa couleur préférée, elle ne sait pas répondre.
Elle n’a jamais pensé à raisonner par elle-même. On a du mal à réaliser que
cette histoire se passe au début du 21ème siècle.
Le 30 mars 2007, avec
l’aide de contrebandiers elle traverse avec sa mère la frontière pour aller en
Chine où elles ne peuvent rester car elles sont trop vulnérables sous un
« statut de réfugiés » puis des missionnaires chrétiens chinois les
aident à passer en Mongolie en traversant le désert de Gobi où elles sont
accueillies dans un centre de détention. De là elles arrivent à Séoul en Avril
2009 pour devenir libres mais « devenir libre a été un processus vraiment
douloureux ». « En Chine, j’étais soutien de famille, c’est moi qui
maintenais ma mère en vie. A présent je ne savais plus comment faire pour
redevenir une enfant ».
En Corée du sud, elle
réapprend à vivre et devient une
militante journaliste et conférencière : elle travaille pour la protection
des réfugiés Nord-Coréens.
On ne peut qu’admirer
sa capacité d’adaptation à toutes les situations, sa force de caractère, sa
rapidité d’apprentissage des langues, son intelligence pour rattraper un niveau
d’études élevé. Quelle belle leçon de survie.
Certains journalistes
ont contesté la véracité de cette fuite. Mais qu’importe si elle a pioché quelques épisodes auprès d’autres réfugiés. Ce
témoignage sert à tous les Nord-coréens et son engagement est admirable.
Elene Ferrante : L'amie prodigieuse T1 et Le nouveau nom T2 ( N°3 fev 2017)
Elena Ferrante : "L'amie prodigieuse" : T1, L'amie prodigieuse - 2014, Gallimard et 2016, poche - ; T2, Le nouveau nom - 2016, Gallimard et 2017, poche - romans
Je me suis attachée, comme beaucoup, à cette saga qui nous emmène à Naples dans les années 1950 et plus, où deux amies d'enfance, Elena et Lila, grandissent ensemble.
Le tome 1, "L'amie prodigieuse", nous les décrit enfants et adolescentes, l'une ayant une emprise inquiétante sur l'autre et leurs sentiments allant de la haine à la jalousie en passant par l'admiration et l'adoration : elles vivent dans les faubourgs mal famés de ce Naples où règnent la mafia et la pauvreté.
Le tome 2, "Le nouveau nom" nous entraine à Naples et à Pise : les deux héroïnes sont devenues des jeunes femmes. Elena a réussi à sortir de son impitoyable milieu miséreux en étant étudiante, tandis que Lila, qui s'est marié très jeune, subit l'autorité de son mari mais est devenue riche en épousant cet épicier...
Impossible de raconter plus, tant le lecteur est emporté dans des détails de vie extraordinaires et passionnants, (avec quelque fois un peu de longueur...) de ses deux femmes italiennes typées qui vivent dans une Italie à l'histoire mouvementée. On a l'impression d'accompagner dans leur vie les deux jeunes femmes : "On a le sentiment de vivre en direct" au jour le jour leur histoire romanesque.
"Cette série est progressivement devenue un phénomène mondial traduit dans 42 pays. Le mystère qui entoure Elena Ferrante y est sans doute pour quelque chose" nous dit Le Monde. En effet, le nom de l'auteur est un pseudonyme, la romancière préférant conserver l'anonymat, ce qui fait couler beaucoup d'encre...
Le tome 3 "Celle qui fuit et celle qui reste" vient de sortir le 3 janvier 2017 en broché chez Gallimard. C'est l'événement littéraire et la très bonne nouvelle de ce début d'année.
A suivre...
mercredi 1 février 2017
Philippe Besson : "Arrête avec tes mensonges" (N°1 janv 2017)
Philippe Besson : "Arrête avec tes mensonges" - Julliard, janv 2017 - roman
Un peu troublant de ne
pas savoir « la vérité » dans ce livre ayant pour titre « Arrête
avec tes mensonges ». Ce livre étant un roman, l’auteur peut y raconter ce
qu’il veut… Toujours est-il qu’à l’émission La Grande Librairie il a fait
comprendre que les « flash-backs » sur ses origines, sa vie
familiale, sa jeunesse étaient véridiques. Le reste ne serait donc que fiction…
Un jeune de 17 ans en
1984, Philippe, fils d’un directeur d’école, est, à cette date, élève en
terminale C (S actuellement) et est subjugué par la silhouette de Thomas
Andrieux en Terminale D entrevu aux récréations, « aux cheveux en
broussaille, à la barbe naissante, au regard sombre ». Ce Thomas va
choisir Philippe pour une relation intime et secrète à laquelle il ne peut
résister : « Pourquoi moi, dit-il, les lunettes de myope, le pull
jacquard, l’élève tête à claques, les trop bonnes notes, les gestes de
fille ».
Cet amour impossible
pour l’époque est décrit avec la finesse de plume habituelle de Philippe
Besson. L’écriture si sensible et si fluide de cet auteur rend ce roman très
facile à lire. Un petit bémol : caresses et jouissances sont,
malheureusement à mon goût, relatées avec des phrases un peu crues et inutiles.
Suggérer les faits serait suffisant…L’auteur nous tient en haleine jusqu’à la
fin assez émouvante.
Toujours est-il que
c’est la première fois que Philippe Besson dévoile ouvertement dans un roman
son homosexualité, que par ailleurs il ne cache pas dans les médias.
Les lecteurs
repenseront bien sûr au livre-choc d’Edouard Louis, « En finir avec Eddy
Bellegueule » paru en janvier 2014 au Seuil et en poche-Points en 2015 qui
traitait aussi de l’homosexualité.
Andreï Makine : L'archipel d'une autre vie (N°2 janv 2017)
Andrei Makine : L'archipel d'une autre vie -Seuil, Aout 2016 - roman
Andreï Makine, écrivain
franco-russe, élu en mars dernier à l’Académie Française, a reçu le 7 décembre
2016 « son épée d’immortel ». Cela n’a pas transformé cet auteur que
j’admire beaucoup et « il n’a pas perdu son goût pour la nature sauvage ni
sa foi mystique en l’amour » (ELLE).
Le héros de ce roman,
Pavel Gartsev, est un soldat, déjà vétéran à 27 ans, en 1952, enrôlé par un
comité militaire pour des expériences qui pourrait servir pour une éventuelle
troisième guerre mondiale dans la Sibérie orientale en pleine période
stalinienne. Mais Pavel est mal vu par ses chefs et est chargé avec 5 autres
soldats, « chacun représentant un fragment de la Russie » nous dit
l’auteur, de poursuivre un fugitif échappé d’un camp d’internement stalinien et
qui écume la taïga armé d’un fusil. Cette petite patrouille sera dirigée par le
terrible Louskass qui s’avère lâche dans les difficultés ainsi que son second
Ratinsky. Ce huis-clos entre ces 5 hommes est vraiment très bien vu par
l’auteur. Quel talent pour décrire les états d’âmes de chacun, leur façon de
voir la société des hommes, leur projets, leurs idéaux, leur fraternité et leur
humanité.
Notre héros restera
seul à la poursuite de l’étrange fugitif qui lui échappe et « une
communion troublante se noue entre Pavel et ce criminel traqué entre rage, peur
et fascination ». (Version Fémina)
Que de belles
évocations de cette nature hostile et de cette taïga qui fut une terre d’asile
pour nombre de fugitifs, de la rivière et des torrents glacés, des brumes du
Pacifique qui conduisent notre héros jusque l’Archipel des Chantars dans le mer
d’Okhotsk. (Il faut absolument regarder une carte…) L’écriture sobre de
l’auteur convient à merveille pour décrire cette chasse à l’homme et pour nous
surprendre lorsque l’identité de la « proie » sera dévoilée.
Andreï Makine confirme
que l’histoire est réelle et qu’il est le garçon de 14 ans, rencontré en début
du roman, à qui Pavel raconte son « histoire ».
Je garde toujours une
immense admiration pour les auteurs qui
écrivent dans une autre langue que leur langue maternelle, l’auteur n’ayant
appris le français qu’à 30 ans, à son arrivée en France.
Ce roman d’aventure,
« quête initiatique et spirituelle » est fascinant d’un bout à
l’autre. Quel bon moment de lecture.
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