Jérôme Garcin : Le voyant - poche Folio, 2016 - roman biographique
Jérôme Garcin a toujours aimé écrire des
portraits d'hommes à l'âme forte et à la vie fulgurante, tel le livre sur son
père disparu accidentellement à 45 ans
« La chute de cheval » paru en 1998, sur son frère jumeau mort très
jeune « Olivier » paru en 2011, sur Jean Prevost (Pris Médicis de
l'essai en 1994, sur Jean de la Ville de Mirmont, soldat en 1918 « Bleus
horizons » paru en 2014.
Ici dans « Le Voyant », il nous fait un
récit admirable de la courte vie de Jacques Lusseyran, l'aveugle résistant.
Après avoir relu le récit autobiographique de cet homme à la vie hors du commun
« Et la lumière fut » (réédité en 2005 et en poche en 2008), Jérôme
Garcin décide de rendre hommage « à cet enseignant et écrivain d'une
fascinante sensibilité qui résista au nazisme et dévora la vie en dépit de sa
cécité » (La Croix). Il veut raconter cette vie pour « comprendre les
profondeurs de cet homme brillant et paradoxal. Je me souviens, dit-il, des
émotions contradictoires que j'éprouvais à la lecture de son témoignage
magistral et capital ». « Cela le passionnait aussi, dit-il, de raconter
tout un pan de l'Histoire à travers les sensations d'un aveugle ».
Cet homme, né en 1924, est devenu aveugle à l'âge de 7
ans suite à une bousculade à l'école. Il dit : « J'avais perdu mes
yeux, je ne voyais plus la lumière du monde et la lumière était toujours là… Je
voyais avec les yeux de mon âme ». Il apprend le braille rapidement ,
soutenu par des parents cultivés, lettrés, mélomanes qui désirent lui donner
une vie « normale ». Il retourne à l'école, fait de brillantes
études, puis « l'aveugle clairvoyant » se fait Résistant. Il entre dans un réseau où on lui confie le
recrutement car il sait détecter un mensonge par l'intonation de la voix et
juge à la façon de serrer la main… Il s'entoure d'amis sûrs. Il
dit : « Seuls venaient à moi ceux qui étaient capables de
générosité et de compréhension ».
En 1943, il est arrêté et transféré à Buchenwald et
réussit à survivre : « Il ne verra pas les horreurs du camp de la
mort, il les sentira, les entendra et pire encore le imaginera ».
Au retour, une nouvelle vie commence. La loi française
empêche les aveugles d'enseigner, il part donc aux Etats-Unis mais alors se
laisse embarquer par un gourou qu'il considère comme « son maître de
joie ». Sa première femme restera avec ce gourou. Il se remarie avec une toute
jeune élève et ils se tuent tous les deux dans un accident de voiture sur la RN
23, lui à l'âge de 47 ans.
Jérôme
Garcin rend « grâce à cet homme avec une sincérité pleine de chaleur
alliée à une écriture belle et humble » dit un critique du Figaro. Bel
hommage à cet auteur que j'aime beaucoup
qui anime l'émission « Le masque et la plume » sur France
Inter depuis 1989 et qui est journaliste à l'Obs. Il a su nous transmettre son
admiration et son émotion dans ce beau récit biographique sobre et juste et a
réussi à nous exprimer son attachement à
cet homme sensible et admirable.
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