dimanche 24 janvier 2016
David Foenkinos : Charlotte (n°2 Janv 2016)
David Foenkinos : Charlotte avec les gouaches de Charlotte Salomon - Gallimard, 2015 - et (sans les gouaches) Gallimard, 2014. roman français
Ce magnifique roman, largement biographique retraçant la vie de Charlotte Salomon, une artiste peintre allemande d'origine juive, née en 1917 et morte en 1943, m'avait passionnée en 2014 ainsi que de nombreux lecteurs qui ont demandé à l'auteur de montrer les œuvres peintes de Charlotte Salomon. Voici chose faite dans ce merveilleux livre avec l'édition intégrale du roman, illustré de cinquante gouaches de la peintre et d'une dizaine de photographies représentant Charlotte et ses proches : "une expérience inédite de lecture".
Je joins ci-dessous ma fiche écrite à l'époque de la sortie du livre. J'avais mis ce livre en meilleur roman de mon année 2014. Pas la seule d'ailleurs... puisque ce roman a obtenu le prix Renaudot et le prix Goncourt des lycéens.
"Comme beaucoup de lecteurs, j’ai
adoré les 13 livres fantaisistes, genre comédies douces-amères, de cet auteur
portés par une écriture fluide, légère et pleine d’humour dont le roman, La
Délicatesse, écrit en 2009 et adapté au cinéma en 2011.
Dans ce livre, nous
allons retrouver sa belle écriture mais plus singulière : ce livre
est « comme un chant en vers libres », un genre de poèmes en prose
avec, donc, de courtes phrases terminées par un
point : « J’éprouvais la nécessité d’aller à la ligne pour
respirer. Alors j’ai compris qu’il fallait l’écrire ainsi » nous dit-il
dans ce roman puisqu’il y mêle l’histoire, en notant ses propres réflexions, recherches et
investigations.
MAIS ici il a changé de
sujet : il y a une dizaine d’années, David Foenkinos fait « une
rencontre illuminante ». Il éprouve un genre de coup de foudre pour
l’artiste-peintre méconnue Charlotte Salomon en voyant une exposition de ses
œuvres. Il décide, après de nombreuses recherches au sujet de sa découverte de
nous faire partager sa passion.
Cette femme juive est
née en 1917 à Berlin dans une famille bourgeoise. Son enfance puis sa vie sont
marquées par une succession de tragédies et de malédictions. On ressentira dans
toute son œuvre le mal-être de la jeune femme suite à ces drames. Jeune fille,
elle tombera amoureuse du professeur de chant de sa belle-mère. Il sera son
mentor et son grand amour. Il l’aidera beaucoup lorsque, malgré sa judéité,
elle rentre aux Beaux-Arts de Berlin en 1937. Elle reprendra alors confiance en
elle grâce à sa passion pour cet homme et pour la peinture. Elle dit elle-même
que la rencontre avec Alfred lui procure « l’esquisse d’une folie – une
folie douce et docile, sage et polie, mais réelle ». Elle doit s’enfuir de
l’Allemagne nazie en 1938 pour le Sud de la France où elle rejoint ses
grands-parents, laissant parents et amour (elle n’aura plus jamais de nouvelles
d’Alfred). Elle est incarcérée avec son grand-père en 1940 puis relâchée,
ensuite elle est arrêtée et sauvée par un policier en 1942.
C’est à ce moment-là
qu’elle sent l’urgence de s’exprimer par la peinture. Elle fera en peu de temps
800 gouaches autobiographiques légendées de textes et de partitions, « une
œuvre lumineuse, pleine de grâce et de légèreté ». Elle intitulera ce
travail « Vie ? ou Théâtre ? ». En confiant ses œuvres à un
ami avant d’être déportée, elle dira « C’est ma vie » « Cela
rejoint la définition de Kandinsky « créer une œuvre, c’est créer un
monde » nous écrit David Foenkinos.
Elle rencontre à cette époque son deuxième
amour qui deviendra son mari, Alexandre Nagler et c’est enceinte, à l’âge de 26
ans, qu’elle sera gazée en 1943 à Auschwitz.
David
Foenkinos nous offre un superbe portrait de femme et d’artiste avec ce récit
sobre et puissant, où l’on sent qu’il y met beaucoup de lui-même, de sa sensibilité
et de sa sincérité : "c'est ce qui rend ce livre bouleversant, singulier et original"
Laurent Seksik : L'exercice de la médecine (n°3 Janv 2016)
Laurent Seksik :
L’exercice de la médecine - Flammarion, 2015 - roman français
Laurent Seksik, médecin
lui-même, fait ici un « bel éloge de la médecine pratiquée à des fins
nobles et généreuses » (BPT). En effet à travers la vie de quatre héros de
générations de médecins dans des pays différents, il nous conte avec brio
l’évolution de ce métier mais aussi l’histoire des pays dans lesquels vécurent
ses héros : Pavel, docteur juif qui soigne les paysans pauvres dans la
Russie des tsars ; son fils, Mendel, professeur à Berlin dans les années
1920 ; Natalia, la sœur de celui-ci dans les années 1950 à Moscou sous
Staline ; Léna, cancérologue à
Paris à notre époque.
Léna rêve de « se
soustraire à la légende familiale » mais peut-on échapper à son
destin ? Elle se voulait paraître une femme « solide comme un roc »
mais « vivait sous la menace de ses propres émotions », ne voulant
pas montrer sa lutte « contre son psychisme détraqué », est-il écrit
dans ces pages.
L’écriture est simple
et humaine. L’auteur nous transcrit à merveille les émotions et les réflexions
de chacun « dans une atmosphère d’intimité et de sympathie », bien
que je trouve le passage sur Natalia très violent et dur. L’auteur nous trace
des portraits superbes de ses personnages que l’on imagine facilement.
Cette grande fresque de
destins entrecroisés à des époques différentes est passionnante jusque la fin
qui donne une petite note d’espoir !
N’oublions pas les
livres précédents de cet auteur dont « Le cas Eduard Einstein » (2013
et 2015 en poche « j’ai lu ») et « Les dernières heures de
Stefan Zweig » (2010 et 2011 en poche « j’ai lu ») : tous
les deux magnifiques et passionnants.
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