Sylvain Tesson : Berezina - Ed Guérin, coll Démarches, 2015 - récit
Sylvain Tesson, aventurier
fantasque, décide de suivre les traces de Napoléon deux siècles
après le calvaire de la Grande Armée en 1812 « par désir de
commémorer la Retraite de Russie » en traversant de Moscou à
Paris les grands espaces russes, biélorusses, lituaniens, polonais,
allemands, sur un side-car, (« motocyclettes à panier
adjacent ») ces motos increvables de marque « Oural »,
très rustiques mais « fleurons de l'industrie soviétique ».
Il propose à son camarade
le photographe Thomas Goisque qui depuis 25 ans photographie le monde
pour la presse française et vit à Moscou et à l'écrivain Cédric
Gras qui, lui, « aime le silence et a trouvé la Sibérie à la
mesure de sa mélancolie » de l'accompagner dans cette
aventure. Se joignent à eux deux Russes « génies de la
mécanique » Vitaly et Vassili.
Il s'inspire de récits de
proches de Napoléon : le journal du capitaine François
Bourgogne qui a laissé des Mémoires imagées et naïves et qui,
entre autres, « survécut quelques jours en suçant des glaçons
de sang »…. et les écrits de Caulaincourt, le grand écuyer
de Napoléon.
« Cette aventure est
plus sportive qu'un pique-nique en Toscane », nous
écrit-il...Nous traversons avec eux dans un froid pénétrant à
80km/h des lieux mythiques : le champ de bataille de la Moskova
à Borodino, la Berezina, Vilnius, Varsovie, Berlin…et nous
découvrons ces lieux au rythme des étapes. C'est un va et vient
entre son périple et ses lectures faites sur la débâcle de
Napoléon. Nous suivons les mille et unes aventures pour faire
marcher les fameuses machines dans la neige, la boue, le froid, pour
se nourrir, se loger, rencontrer les habitants et aussi les
mouvements de troupes, les calculs et les tactiques de Napoléon et
les ruses des Russes…
Cette déroute de Napoléon
fut une « débandade sanglante et désespérée » et ne
laissera que 10 000 rescapés sur 450 000 soldats fidèles à leur
empereur jusque la mort. Tout en comprenant que l'on critique
l'épopée Napoléonienne, dans un interview, l'auteur explique avoir
été surpris du peu de commémorations faites en 2012 pour le
bicentenaire de la retraite de Russie et pour rendre hommage aux
soldats de la Grande Armée...Il nous fait réfléchir à la question
de l'héroïsme…
Ce qui est surprenant est
que c'est sourire aux lèvres que l'on lit ce récit tant Sylvain
Tesson sait écrire avec drôlerie et décrit avec un humour grinçant
les scènes les plus atroces dans une écriture précise et fluide et
un style original. J'ai particulièrement aimé certaines
descriptions : le personnage de Koutouzov, leur dîner chez un
français installé à Moscou, pendant lequel ils parlent « russes
comme les Européens bien élevés »… la description de son
amour pour la Russie, la traversée de petites villes « la
petite ville nous paru un congélateur charmant », l'arrivée
en Pologne….
Un bon moment de lecture
que ce récit d'aventure...
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire