Dominique Bona : Je suis fou de toi - Grasset, 2014 - biographie.
Le 23 Octobre 2014, Dominique Bona a été la huitième femme à entrer à l’Académie Française, superbement habillée selon les règles mais dans une tenue « Chanel haute Couture » quand même….Dominique Bona est une critique littéraire très reconnue et appréciée et un écrivain que j’aime beaucoup pour ses biographies dans lesquelles elle nous fait découvrir le côté intime et caché de ses personnages. Elle dit d’ailleurs cette phrase amusante : « J’ai arrêté d’écrire des fictions quand j’ai compris que la vraie vie est infiniment romanesque. La réalité dépasse presque la fiction. Ecrire des biographies me permet de vivre d’autres vies que la mienne ». On ne peut oublier ses remarquables biographies sur Stephan Zweig, Camille et Paul Claudel, Berthe Morisot et Clara Malraux dont j’ai fait des fiches dans ce blog.
Ici elle relate la vie
et le dernier grand amour de Paul Valéry : Jeanne Voilier (ou Loviton). La
première partie du livre met en parallèle leurs deux vies.
Lui est le poète de la
raison et de la volonté, de la lucidité. Toute sa vie il a lutté contre les
passions. Il se veut être un bon mari (il a épousé Jeannie en 1900), un bon
père et grand-père de famille, un bon professeur au Collège de France, un poète
couvert de gloire, un académicien depuis 1925. C’est un travailleur acharné. Il
a quelques aventures particulièrement avec l’écrivain Catherine Pozzi avec qui
il a une belle complicité intellectuelle dans l’entre deux guerre mais cela ne
met pas en péril sa vie de famille.
Elle, Jeanne Voilier, est
une femme émancipée pour l’époque : elle est avocate, femme d’affaire car
éditrice avec son père, divorcée, libre, indépendante et…infidèle.
Leur rencontre a lieu
en 1938. Commence alors la deuxième partie du livre. Lui est âgé de 66
ans : « le cœur de l’écrivain est vite emporté par la belle qui sait
recevoir en déshabillé de soie ». Elle a 34 ans. Elle est éblouie. «C’était
un grand esprit, une intelligence supérieure mais aussi un homme plein de
charme et d’humour » dit Dominique Bona dans un article du Figaro. « Il
l’a prise dans ses bras, il l’a aimée. Jeanne est sa drogue » nous dit
Dominique Bona. Paul aime le luxe et la beauté qui entourent Jeanne. L’amour qu’il
éprouve pour elle dépasse en intensité tout ce qu’il a vécu jusque-là mais Jeanne l’aime-t-elle autant ? On
peut en douter car on devine qu’elle a d’autres amants…Leur passion et leurs
rencontres sont évidemment contrariés par la guerre qui les sépare. Valéry note
avec inquiétude « des signes d’attiédissement ». L’auteur nous décrit
si bien comment les événements influencent leur histoire d’amour et tourmentent
Paul Valéry qui vieillit et souffre dans son corps et dans son être alors que Jeanne,
plus jeune, surmonte les épreuves plus facilement.
Lentement leur relation
se dégrade. On apprend que Jeanne voit toujours Jean Giraudoux. Le sait-il ?
Puis elle rencontre l’éditeur Robert Denoël qui sait la protéger, ce qu’elle
recherche depuis la mort de son père. On se sent triste lorsqu’on apprend que le
véritable homme de la vie de Jeanne fut cet éditeur, Dominique Bona ayant eu le
talent de nous attacher à Paul et Jeanne. Le Dimanche de Pâques 1945, elle lui
déclare son intention d’épouser l’éditeur. C’est le coup de grâce : il se
laissera quasiment mourir : « Tu sais bien que tu étais entre la mort
et moi » lui dit-il…Il meurt désespéré le 20 juillet 1945 et a des
funérailles nationales.
Il est intéressant de
savoir que Dominique Bona a pu compulser les 452 « missives
enflammées » écrites par le poète entre 1937 et 1945 et récemment publiées
qui « nous montre un Paul Valéry amoureux fou jusque dans la niaiserie. Il
est à ses genoux, implorant, suppliant, regrettant, jouissant des quelques
heures volées » (Figaro). On dit que les lettres envoyées à Catherine Pozzi
ont été brulées à sa demande à sa mort en 1935 mais elles seraient, parait-il
retrouvées ???. L’auteur a aussi évidemment étudié les
« Cahiers » de Paul Valéry et les 150 poèmes écrits par le poète à sa
muse. Elle en joint quelques-uns dans la dernière partie de la biographie, ce
qui donne un plus à ce livre.
J’ai beaucoup aimé la
façon avec laquelle Dominique Bona nous fait entrer dans l’intimité des deux
personnages et nous décrit merveilleusement le milieu des écrivains de la
première moitié du 20ème siècle et celui des peintres, Berthe
Morisot étant parente de la femme du poète. Sa plume est toujours aussi
élégante. « Elle a mis toute son érudition, sa sensibilité et son élégance
dans cette biographie passionnée » dit un critique.
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