mardi 19 mars 2013
Philip Roth : Némésis
Philip Roth présente
ici son « ultime roman », nous dit-il, publié en 2010 aux Etats-Unis.
A 80 ans ce 19 mars 2013, il veut
conclure son œuvre, comme faire un bilan. Fini le sexe, la subversion, ici les
thèmes sont plus sombres : la mort, la morale, la crise de conscience dans
un texte assez court. Ceux qui ont adoré ses cycles de romans dédiés à son
« alter ego » Zuckerman seront surpris.
Il exagère un fait
arrivé dans sa ville de Newark dans le New Jersey en 1944 pour en écrire un
roman psychologique magnifique : une épidémie de poliomyélite dans le
quartier juif de sa ville (avant l’invention du vaccin, bien sûr). Bucky
Cantor, un jeune professeur de sport, courageux et droit, doit affronter ce tragique fléau qui s’abat
sur ses élèves : terreur, panique, incompréhension, indignation…mais il
quitte cet enfer avec un sentiment de culpabilité qui le poursuivra toute sa
vie et de là… réflexion sur le « surmoi », le « pourquoi »,
la fragilité de ce qui est, les remords, la culpabilité, le sens du devoir…
« Quels sont les
implications morales des problèmes auxquels le destin, l’Histoire ou le hasard
nous obligent à faire face » nous dit un critique du Monde et l’auteur
nous laisse méditer sur ce qu’est la vie, sur ce qu’elle pourrait être et sur
ce qu’elle n’est pas….
Le titre est évocateur.
Némésis est la déesse « de la juste colère des dieux ». Elle
représente la vengeance divine et peut être messagère de mort : nom évidemment
bien approprié à ce livre et surtout à la pensée du héros.
Toujours fan de Philip
Roth, je me suis enthousiasmée pour ce livre profond, noir et désenchanté,
pessimiste car il évoque l’impuissance de l’homme face au destin mais si fin,
si bien écrit, si fidèle à cet écrivain qui semble rédiger ici une sorte de
testament….C’est bouleversant…Sera-t-il un jour récompensé par le Prix Nobel de
littérature : on se souvient de « La Tache » prix Médicis étranger,
« Pastorale américaine » prix Pulitzer et « un Homme » plus
récent.
A noter que Philip Roth
a toujours beaucoup contrôlé les photos et les interviews que l’on faisait de
lui, désireux de garder un certain anonymat et le souci de se montrer à son
avantage. Mais « depuis qu’il a décidé de cesser d’écrire, voici qu’on
découvre un autre Roth moins tendu, moins radicalement méfiant et qui regarde
en arrière avec tendresse, émotion et toujours, heureusement, avec
humour » (dans Le Monde du 16 février 2013). Ainsi on peut le voir et
l’écouter dans les fameux « Carnets de route » de François Busnel
(interview chez lui aux USA) et le lire et regarder des photos inédites dans un
hors-série « Le Monde » paru ce mois de Mars 2013.
Andreï Makine : Une Femme aimée
Andreï Makine : Une Femme aimée - Ed du Seuil, 2013 - roman biographique. COUP de COEUR
Impossible d’expliquer en quelques mots ce roman extraordinaire et très original d’Andreï Makine. On sait déjà tout, ou presque, sur le règne (1729-1796) et la personnalité passionnante de Catherine II de Russie.
Sont déjà sortis à ce
sujet entr’autres : « Catherine La Grande » de Henri Troyat
(Poche, 2011) ; « Catherine II : un âge d’or pour la
Russie » de la spécialiste Hélène Carrère d’Encausse (Ed. Fayard en
2002) ; « Les amours de la Grande Catherine » de Fédorovski,
biographie écrite en 2009 (Ed. Alphée)
Mais ici ce sont
l’écriture et la forme qui donnent tout le relief à ce roman. L’auteur mêle la
vie de la Tsarine en Russie au XVIIIème siècle et la vie actuelle (à partir de
1980) à Saint-Petersbourg d’un jeune cinéaste. Il doit réaliser un film d’une
heure quarante pour raconter la vie de Catherine II en début de roman (ce qui
est peu) et le film sera visé par le Comité d’Etat pour l’art cinématographique
donc par la censure politique. En fin de roman, après l’effondrement du
communisme, ce sera devenu un feuilleton télévisé de « trois cents
épisodes et demi » qui doit plaire
au public et obéir au « diktat de l’Audimat » : Donc aucune
liberté et vérité pour les deux cas.
Cette impératrice a été
de tout temps décrite comme une « mangeuse d’hommes » vivant au milieu de complots, conquêtes, émeutes,
tueries mais aussi comme une femme de pouvoir ayant construit la prospérité
économique de la Russie, la croissance industrielle, l’essor culturel et les
succès extérieurs tel un homme. Ségur l’appelait : « Cette femme
grand homme » et Ligne la surnommait « Catherine LE grand ».
Ce jeune cinéaste veut
trouver une autre vérité sur l’impératrice qui a surement une part d’elle-même
qui était « une femme aimée » et aimante, une femme ordinaire qu’un
homme a pu aimer avec désintéressement : il veut découvrir la véritable
personnalité de cette femme qui dira « Mon cœur ne peut vivre un seul
instant sans aimer ». Est-ce la clef du roman ???
Andreï Makine a dit à
l’émission « La Grande Librairie » : « Je pourrais faire
une déclaration d’amour à cette femme ». On le croit volontiers et il
parvient à nous faire changer d’opinion sur cette femme extraordinaire.
Robert Solé : Une Soirée au Caire
Robert Solé : Une Soirée au Caire - Ed du Seuil, 2010 - En poche en 2012 - roman
La parution de la
biographie sur « Champollion » présentée et écrite par Robert Solé
m’a donné l’envie de relire le roman « Une Soirée au Caire » qui
avait été apprécié par tous et par la presse. Dans L’Express de septembre 2010,
un critique disait : « Quelle source d’inspiration plus prometteuse
que la nostalgie ? Celle de l’Egypte, son pays natal nourri pour notre
plaisir la littérature - essais, romans, reportages - de Robert Solé ».
Robert Solé, rédacteur
en chef du journal « Le Monde », même s’il réside en France depuis
ses 18 ans, demeure un exilé au fond de son cœur : « L’exil et les
impressions vivaces de l’enfance sont au cœur de ce roman attachant ».
De retour en Egypte
pour son travail, le narrateur, Charles, rend visite à sa tante Dina, vieille
dame « raffinée et fantasque »,
habitant toujours au Caire dans la maison familiale. Charles (qui semble
être le double de l’auteur…) renoue avec son pays natal. L’auteur nous
décrit une Egypte d’avant les changements sociaux et religieux :
« Juifs, Musulmans, Coptes, Grecs orthodoxes, Grecs catholiques, Egyptiens
de souche, Egyptianisés, Syriens, Grecs, Italiens, Arméniens catholiques,
Arméniens orthodoxes : chacun se définissait à la fois par sa confession
et son origine nationale ».
Restant chez sa tante
et assistant à un diner, Charles raconte l’atmosphère prenante, envoutante et
nostalgique et nous recrée ce monde égyptien avec ses couleurs et ses senteurs,
le nom des plats et leurs recettes… : « la magie s’exerce encore à
l’évocation de cette Egypte d’antan ». A ce diner, Charles rencontre des
hommes qui préfèrent vivre dans leurs souvenirs mais aussi une jeune femme,
belle, moderne et libre qui fera pressentir que c’est la fin de ce monde et
peut-être la naissance d’un autre…
Ce roman revisite
l’histoire de l’Egypte ancienne évoquée par les archéologues et égyptologues
jusqu’à l’époque contemporaine « minée par le fondamentalisme
religieux », nous dit l’auteur.
Ce roman m’a beaucoup
plu par son atmosphère, sa composition et son charme : « un vrai
délice oriental ».
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